Construire petit à petit un immeuble à Tanger tout en impliquant chaque membre de la famille, tel était le rêve des parents Bennassar qui ont émigré en Belgique dans les années 60. Un rêve auquel la commune urbaine de Tanger a mis définitivement fin, en procédant en début d’année à la démolition de la construction.
Mardi, le quotidien Assabah est revenu sur l’affaire de la plainte déposée par Aziz Bennassar, le cadet de la famille, également résident en Belgique. Il a déposé un recours à Rabat auprès du tribunal de commerce contre la commune urbaine de Tanger et la wilaya de Tanger-Tétouan. Celui qui tente de frapper à toutes les portes pour faire valoir son droit, a aussi pris contact avec l’Association des victimes de la spoliation (AVS) et son président, Mohamed Moutazzaki.
«Mon père travaillait de 4 heures du matin jusqu’à 19 heures. Ma mère faisait quatre jobs à la fois, sans week-end, sept jours sur sept et on l’aidait aussi», déclare-t-il dans une vidéo avec Mohamed Moutazzaki.
Risque d’une spoliation immobilière ?
Contacté par Yabiladi, Aziz Bennassar nous confie avoir hérité de cet immeuble qui était en construction et n’était pas fini exprès. «Des directives que [sa] mère [lui] avait laissées», nous explique-t-il. «Mes neveux devaient attendre leur majorité pour pouvoir continuer sa construction. On a souhaité attendre un laps de temps. Ils ont atteint leur majorité en 2016 mais entre-temps, il y a eu une décision prise à la va-vite, sans concertation et sans informer les propriétaires pour pouvoir avancer dans n’importe quelle direction autre que la démolition vu que c’est une propriété privée», poursuit notre interlocuteur.
«Ils ont démoli et on s’est retrouvé sans héritage bien qu’il n’y ait pas que mes parents qui aient travaillé, il y a aussi mes sœurs aînées qui ont aidé mes parents. Ils sont venus et ont déclaré l’immeuble insalubre et abandonné alors qu’il était propre avec l’eau, l’électricité et trois concierges. Si on payait des concierges, c’est qu’il n’était pas abandonné. Je pense que c’est de l’abus de pouvoir.»
L’immeuble serait enregistré au nom de l’entreprise immobilière depuis qu’elle est devenue société à responsabilité limitée lors du décès du père d’Aziz, âgé aujourd’hui de 52 ans. Celui-ci, gérant de la société, s’est déplacé au Maroc après avoir pris connaissance de la décision de la commune urbaine de la ville du Détroit, reçue «15 jours après avoir été décrétée». Il fait donc les demandes et les recours nécessaires, mais personne ne lui explique la décision ou le fait de démolir l’immeuble en huit jours. «J’attendais l’expertise en plus pour pouvoir les contredire. J’ai eu la personne qui est venue constater le béton et m’a dit par téléphone que l’immeuble est en très bon état. Il m’a aussi dit avoir été contre la démolition», nous informe-t-il. «J’ai fait mon possible mais ils sont venus et l’ont démoli en une demi-journée», regrette-t-il.
«J’ai demandé si je pouvais récupérer ma propriété en construisant un mur de gardiennage, on me l’a interdit. Cela veut dire qu’ils veulent prendre ce terrain et qu’il y a des gens et une mafia qui veulent nous spolier ce lot de terrain puisqu’il est situé à côté de la marina.»
Aziz Bennassar en compagnie de Mohamed Moutazzaki. / Capture d'écran
Un investissement de 600 000 euros démoli en une demi-journée
Le cadet de la famille Bennassar nous confie aussi que depuis 2006, les autorités lui auraient toujours refusé les demandes d’un nouveau permis de construction. «La demande a été rejetée pour cause de «plan urbanistique non définitif», m’ont-ils dit. J’ai fait trois fois cette démarche, et à chaque fois on m’a dit qu’ils ne pouvaient pas me décerner un permis d’un an pour continuer les travaux parce qu’ils n’ont pas de plan», poursuit-il. Encore aujourd’hui, cette zone serait sans plan définitif. «Malgré cela, certains font les travaux et leurs magouilles à leur manière mais pour les petits propriétaires comme nous, on n’a pas droit à un permis ou à de l’espoir. Même pas le droit d’avoir une construction», lâche-t-il.
Même son recours devant le tribunal de commerce de Rabat ne semble pas avancer. «On est donc passé devant la justice au mois de juin. J’attends toujours le verdict même si notre requête a été rejetée. On attend donc toujours la décision et le verdict pour pouvoir aller en appel», dit-il avant de rappeler qu’il y a «un dommage de 600 000 euros qui a été démoli» par les autorités tangéroises.
Et Aziz Bennassar de conclure : «Ma famille et moi-même sont écœurés. C’est un choc émotionnel par rapport à ce que représentaient cet immeuble et le travail fourni par nos parents.»