«La France ne laissera pas ce crime impuni». Le président français Nicolas Sarkozy s'érige-t-il en justicier à la manière d'un George W. Bush après les attentats du 11 septembre ? Le discours est proche de celui de l'ancien président des Etats-Unis. «Les terroristes savent désormais qu'ils n'auront aucun répit, nulle part, jamais. Où qu'ils se trouvent, où qu'ils se cachent, ils seront recherchés, suivis à la trace, débusqués et ils auront à rendre compte de leurs crimes», a ajouté le chef de l'Etat. Sous-entendu : les services français captureront les terroristes, quelles que soient les difficultés à surmonter.
Un message fort envers les familles des victimes, qui intervient un jour après que les services américains aient tué Oussama Ben Laden; mais que signifie-t-il ? La France va-t-elle s’ingérer dans les affaires intérieures du Maroc, sur annonce du chef de l'Etat en personne ? Va-t-elle mener l'enquête à la place des autorités marocaines, pour rendre justice, punir les responsables ?
Des questions que l'agence de presse marocaine a préféré ne pas soulever, et même esquiver. En titrant «Attentat de Marrakech: La France fait confiance à la justice marocaine», Maghreb Arabe Presse (MAP) donne une toute autre impression du discours de Nicolas Sarkozy. Le discours se prêtait à cela, car après ses déclarations presque guerrières, le président français a ajouté : «Je fais bien sûr toute confiance aux autorités marocaines pour conduire l'enquête jusqu'au bout, identifier et juger les criminels qui sont à l'origine de ce massacre».
Cette partie du discours est plus dans le respect des normes internationales, mais au vu du discours par ailleurs musclé de Sarkozy, une question mérite d'être posée : que ferait la France si cette confiance dans les autorités marocaines était déçue ? Que proposerait Sarkozy si l'enquête marocaine ne donnait pas de résultats ? La France prendrait-elle le relais des enquêtes ?
Jusqu'où irait la France ?
De plus que l'enquête s'annonce difficile. Personne n'a encore revendiqué l'attentat. Deux suspects seraient recherchés par la police, et en parallèle, les ministres de l'Intérieur et de la Communication confirment que la piste d'AQMI est poursuivie. D'autres se permettent des interrogations plus larges. Dans le Monde des religions, Mohamed Fadil Redouane, doctorant à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (Paris-Sorbonne), avertit notamment que «la théorie du complot est plausible».
«Cette hypothèse, ajoute le chercheur, si elle est pour l’instant invérifiable, est plausible, parce qu’elle permettrait à une partie du pouvoir de reprendre la main, de décrédibiliser les islamistes et de maintenir une certaine pression sécuritaire sur le peuple marocain tout en le détournant de ses velléités démocratiques auxquels il semblait jusqu’à présent farouchement accroché.»
Si l’attentat de Marrakech portait la signature, comme le dit Mohamed Fadil Redouane, «des centres de pouvoir internes» de l’Etat marocain, quelle serait alors l’attitude de Sarkozy ? Comment la France punirait-elle les «terroristes» qui ont orchestré cet acte ?