L’Etat marocain semble vouloir tourner la page des détenus islamistes dans les prisons marocaines. Une toute première réunion s’est tenue en fin de semaine dernière à Fès. Rapportée ce mercredi par nos confrères du quotidien arabophone Akhbar Alyaoum, il s’agit d’une rencontre entre Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita mohammadia des oulémas, Mohamed Saleh Tamek, délégué général de l’administration pénitentiaire et une dizaine de salafistes. Une initiative menée par Khalid El Haddad, condamné à 20 ans de prison ferme pour liens avec les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca.
Selon le journal, la rencontre avec Ahmed Abbadi a concerné «les révisions menées par les détenus islamistes et leur point de vue religieux du système politique marocain». «La visite a eu un impact positif alors que les détenus ont de l’espoir de voir leurs périodes de détention écourtées», conclut le média.
Contacté ce mercredi par Yabiladi, Abderrahim Ghazali, porte-parole du Comité mixte pour la défense des détenus islamistes (CMDDI) apporte d’abord quelques précisions. «La réunion s’est déroulée jeudi et non pas vendredi. Les deux responsables ont rencontré 11 détenus à la prison Ras El Ma 1 de Fès plutôt que 12», nous déclare-t-il. Selon lui, Ahmed Abbadi et Mohamed Saleh Tamek se sont déplacés à la demande des détenus islamistes.
«Cette visite intervient suite à la demande de ces détenus islamistes et c’est eux qui ont demandé à rencontrer ces deux responsables. L’initiative s’inscrit dans le cadre de la démarche visant à frapper à toutes les portes des institutions étatiques concernées par ce dossier.»
«Impliquer les oulémas» pour «jouer un rôle positif»
Pour le porte-parole du CMDDI, cette première rencontre est à saluer. «Le Comité mixte pour la défense des détenus islamistes ne peut que saluer cette visite en espérant que d’autres visites auront lieu. C’est notre objectif et c’est une de nos revendications», nous affirme-t-il. Tout en disant espérer que «cela soit un message de l’Etat aux détenus islamistes», il nous déclare que la réponse des deux responsables à la demande des détenus est en elle-même «un signe positif». «D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nous sollicitons les institutions de l’Etat pour ouvrir le débat avec ces détenus et nous nous adressons à tous les composantes de l’Etat, oulémas, institutions judiciaires et responsables, à intervenir pour régler cette question vielle de plus de 14 ans aujourd’hui», enchaîne-t-il.
Tout en soulignant la volonté des détenus d’impliquer les oulémas sur cette question, Abderrahim Ghazali explique que ces experts peuvent jouer un rôle positif dans la résolution de ce dossier. «Dans des messages précédents adressés au Conseil supérieur (des oulémas, ndlr), les détenus avaient invité les oulémas à venir vers eux en cas d’erreurs, de problèmes ou de divergences s’agissant de la religion musulmane. Ils ont donc saisi l’occasion pour démontrer au secrétaire général de la Rabita l’absence de divergences», rapporte-t-il. Pour le porte-parole du CMDDI, «la Rabita a été sollicitée dans la mesure où ces personnes sont détenues pour des affaires liées à la religion musulmane».
«Les détenus islamistes ont été entendus. Leur discours convergent vers la résolution générale et acceptable du dossier des détenus islamistes. Abbadi a évoqué les sacralités et les fondements religieux de l’Etat alors que les détenus lui avaient confirmé qu’ils n’ont pas abandonné ces fondements.»
Des demandes de réunion à l'intention d'Aujjar, Ramid et El Othmani
L’occasion pour Abderrahim Ghazali de rappeler que les détenus islamistes «n’ont pas de problème avec la société comme prétendent certains médias puisqu’ils sont convaincus que la société est musulmane». Et un petit rappel historique puisqu’il évoque le Malikisme. «Ils (les détenus islamistes, ndlr) n’ont pas non plus de divergence avec le Malikisme puisque l’imam Mālik était un salafiste, ce qu’ignorent certains marocains», poursuit notre interlocuteur. Composé par d’anciens détenus, depuis 2003 ou 2004 et de salafistes nouvellement condamnés, le groupe décroche donc un premier signe positif de l’Etat. «Abbadi leur a promis de transmettre leur message aux autorités compétentes et que d’autres visites seront programmées dans un avenir proche pour davantage se pencher sur cette question».
Quant aux démarches du CMDDI au lendemain de la nomination par le roi d’un nouveau gouvernement, Abderrahim Ghazali nous informe que des demandes de réunion seront adressées au ministère de la Justice, au ministre d’Etat chargé des droits de l’homme et au secrétariat du gouvernement. «Nous espérons que la réponse de ce nouveau gouvernement ne soit pas la même que son prédécesseur. C’est en fonction des réponses que nous déterminerons les démarches à suivre», conclut-il.