«Nous étions des musulmans heureux, heureux d'être Belges, heureux d'être avec tout le monde», affirme Mohamed El Bachiri dans un entretien fraichement publié dans le journal néerlandais NOS.
Ce bonheur s’est transformé en un cauchemar le 22 mars dernier. Alors que sa femme- Loubna Lafquiri, 34 ans- était sortie tôt le matin pour se rendre au travail, Mohamed, en congé, profitait d’une grâce matinée bien méritée quand il a soudainement été réveillé vers 10h par une amie. « Elle m'a demandé si j'avais eu des nouvelles de Loubna. Je n'ai pas compris directement», se souvient-il. C’est alors qu’il apprend qu’il y a eu un attentat dans le métro à Maelbeek. Immédiatement, Mohamed allume son téléphone et remarque que sa femme a été la dernière fois en ligne sur Viber à 9h10.
«Je leur ai dit que Dieu avait emmené leur maman au ciel pour la protéger d'une bombe»
Vu la gravité de ce qui venait de se passer, l’homme a commencé à avoir un mauvais pressentiment, surtout que ce n’était pas le genre de son épouse de laisser ses proches sans nouvelles dans ce genre de circonstances. «Loubna avait entendu parler des attentats de Zaventem. Elle avait même appelé sa mère au Maroc afin de la prévenir que tout allait bien», argue-t-il.
Et si Mohamed n’était pas en congé ce jour-là, il aurait pu être compté parmi les victimes, car il est chauffeur de métro. La circonstance aurait pu être encore plus délicate pour leurs trois enfants. Ils ont d'ailleurs appris très rapidement l'annonce du décés de leur mère. «[Ils] ont su rapidement car l'information a fait le tour de l'école», souligne le père de famille. Pour leur expliquer la situation, il leur a simplement dit «qu'un idiot avait placé une bombe dans le métro et que Dieu avait emmené leur maman au ciel pour la protéger».
Originaire de Salé, Loubna Lafquiri était professeur d'éducation physique dans une école de Schaerbeek. C’est d’ailleurs dans sa ville d’origine que repose l’âme de celle qui fût une passionnée de sport. Avant le rapatriement de sa dépouille, un hommage funéraire lui avait été rendu à la mosquée du cinquantenaire à Bruxelles en présence des autorités locales. «Loubna était une Molenbeekoise connue comme une femme moderne et épanouie, une mère de famille qui travaillait. Ces attentats ont touché toutes les nationalités, cultures et origines. […] J'espère que ces événements dramatiques permettront de faire un électrochoc pour lutter plus fortement ensemble car tout le monde est concerné», affirmait la bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean Françoise Schepmans.
«Victime» et «terroriste potentiel»
Face à la brutalité avec laquelle le terrorisme lui a arraché la vie, son mari regrette une seule chose, l’amalgame qui entoure la communauté musulmane de Belgique, alors qu’elle est également la cible des terroristes. «D'un côté, je suis une victime. De l'autre, je suis un terroriste potentiel aux yeux des autres car je viens de Molenbeek et que je m'appelle Mohamed», explique-t-il.
Malgré tout, l’homme ne veut pas céder à la haine. «Je veux montrer qu'ils se trompent. Je suis un homme de la liberté et de l'amour», confie-t-il, d’autant plus que c’est cela qu’incarnait Loubna. «C'était une belle personne, ça pouvait se lire sur son visage. Elle avait toujours le sourire. Elle aimait tout le monde», décrit-il.