Les Pays-Bas ont connu ces deux dernières années plusieurs débats autour de l'immigration dans la société néerlandaise. Deuxième et troisième générations sont accusées de ne pas être assez intégrées, un facteur qui, à l’instar d’autres pays européens, a participé à l’émergence de plusieurs partis de droite selon les médias.
Depuis quelques temps, une photo circule et est utilisée systématiquement pour illustrer le thème de l'immigration dans des articles journalistiques ou encore des ouvrages. Cette photo représente 350 garçons marocains visitant le camp de concentration de Westerbork en 2005, une photo prise au moment où ils écoutaient l'histoire des déportés de la Seconde Guerre mondiale dans ce même camp. Un fait que Martijn Kleppe, chercheur à l’Université Erasmus de Rotterdam, relève dans une analyse publiée sur le site bagnewsnote
Le chercheur s’étonne de voir comment une photo peut être utilisée dans toutes sortes d'articles d'actualités aux Pays-Bas. Il considère qu'il est difficile de visualiser quelques maux de sociétés avec des photographies. Or, c’est bien le cas de cette image utilisée de manière récurrente par les journaux ou magazines néerlandais, pour aborder la question de l’immigration.
Kleppe donne à titre d'exemple, le cas du magazine Elsevier qui ne cesse d'en faire usage. En effet, ce-dernier s’en sert tantôt pour traiter du combat de la municipalité d’Amsterdam contre la délinquance juvénile, tantôt pour un article sur l’aide psychologique aux familles marocaines, ou encore dans le cadre d'un article au sujet d’une réflexion d’Hero Brinkman à propos des musulmans. La photo a également été utilisée par un bureau d’études néerlandais, le BMC, et a même servi de page de couverture pour le livre de Fleur Jurgen «The Maroccan(s) Drama».
Une photo retouchée à souhait
La photo a été remaniée sous différents angles pour les besoins des différents supports. Au-delà du faciès de ces jeunes, rien dans l’image n’est en lien avec les sujets traités par les journaux. Martin Kleppe s’interroge quant aux raisons de ce phénomène et évoque un processus commun qui s’applique à bon nombre de rédacteurs : lorsqu’ils écrivent, ils ont une image en tête ou en recherchent une qui représente au mieux la réalité.
Toutefois, l'utilisation d’une telle image devrait pousser tout journaliste à se questionner sur son impact sociétal douloureux d'autant qu’une simple légende aurait pu l’éviter...