Ce samedi, le Haut-commissariat au Plan (HCP) a rendu publique une étude exposant les scénarios de l’évolution de la pandémie du coronavirus au Maroc, à la veille de l’annonce d’un éventuel déconfinement prévu à partir du 20 mai.
Intitulée «Pandémie COVID-19 dans le contexte national : Situation et scénarios», l’étude se base sur des données démographiques, socio-économiques et sanitaires de la population (projections de la population 2020 et de l’Enquête nationale sur l'emploi 2019 du HCP, et de l’Enquête nationale sur la population et la santé familiale 2018 du ministère de la Santé) ainsi que des données observées relatives à la pandémie par le ministère de la Santé. Toutes ces données ont été couplées au modèle SIR.
Ainsi, cette analyse a permis d’établir trois grands scénarios : celui de référence d’évolution naturelle, un scénario tendanciel ainsi qu’un scénario de déconfinement, lui-même représenté avec trois scénarios différents, chacun disposant d’une variante.
Pour le premier scénario, le HCP évoque un «cas d’école qui suppose une évolution naturelle de la pandémie sans aucune barrière qui s’étend ainsi à la majorité de la population jusqu’à ce qu’une immunité collective éventuelle soit acquise». «Ce scenario théorique permet en fait de mesurer les acquis des autres scenarios», précise-t-on. Et d’évoquer une situation qui aboutirait à un «pic de l’épidémie», «atteint tôt», avec un nombre «très élevé de cas infectés induisant une forte pression sur le système sanitaire et un taux de létalité élevé». En d’autres termes, ce cas de figure se traduit, à terme, par une «contamination d’environ 80% de la population» marocaine.
Quant au scénario tendanciel, qui prévoit le maintien des mêmes mesures déjà prises par les autorités, y compris le confinement, le HCP dit s’attendre à un «nombre total d’infectés cumulés à 7800 cas vers le début de juillet», ainsi qu’un «nombre d’infectés cumulé actifs aux alentours de 3 200 cas et une tendance dégressive vers un chiffre faible à fin juillet».
L’inquiétant déconfinement vu par le HCP
Les trois scénarios de déconfinement par contre donne froid dans le dos. Ainsi, pour un «déconfinement généralisé», le scénario envisage une libre circulation de l’ensemble de la population âgée de moins de 65 ans, non atteinte de maladie chronique, estimée à environ 27,5 millions.
Déclenché, il suppose un nombre de 2 000 cas infectés actifs au moment du déconfinement, un R0 à 1,248 en supposant le maintien des mesures barrières, et une infection de 8% de la population en 100 jours. De plus, «le système sanitaire serait submergé en 62 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs».
Pour un «déconfinement large», soit celui de la population active occupée âgée de moins de 65 ans et de la population âgée de moins de 15 ans, non atteinte de maladie chronique, estimée à 16,7 millions, le scénario suppose également un nombre de 2 000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Le nombre d’infections portera le R0 à 0,94 dans le cas du maintien des mesures d’autoprotection, avec 31 663 cas confirmés positifs en 100 jours, un pic de 3 200 cas infectés actifs, un besoin maximal de 3 200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation) et de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) ainsi que 1 266 décès, soit 4% des infectés cumulés.
Enfin, pour un «déconfinement restreint», le scénario suppose le déconfinement de la population engagée dans l’économie, soit la population active occupée âgée de moins de 65 ans non atteinte de maladie chronique (7,9 millions). Il suppose, tout en gardant les mesures barrières, 2 000 cas infectés actifs au moment du déconfinement, un R0 de 0,864, 18 720 cas confirmés positifs cumulés en 100 jours avec un pic de 3 200 cas infectés actifs et un besoin maximal de 3200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation des infectés actifs), et de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs). Ce «déconfinement restreint» engendrerait 748 décès (4% des infectés cumulés).
En gros, le HCP semble déconseiller le déconfinement tout court. Toutefois, l’instance dirigée par Ahmed Lahlimi estime «quelle que soit son efficacité prophylactique, le confinement n'est cependant pas soutenable dans la durée». «Le déconfinement est un impératif dicté par la nécessité d’une politique post-pandémique de résilience économique, de stabilisation sociale et d’apaisement du climat psychologique du pays», conclut-on.