Environ 3 000 personnes sont descendues dans les rues de Hanau pour appeler le gouvernement allemand à prendre des mesures contre le radicalisme de l’extrême droite. Une marche qui intervient quelques jours après le double attentat terroriste commis par un suprémaciste blanc, qui a tué neuf personnes dans deux bars à chicha.
Les manifestants portaient des pancartes dénonçant la normalisation, par le parti d’extrême droite AfD, de «la rhétorique raciste», les neuf personnes étant des Allemands d’origine étrangère, rapporte la Deutsche Welle (DW).
«Politiciens et électeurs de tous les horizons pointent du doigt un parti : Alternative pour l'Allemagne (AfD). Il s'agit du plus grand parti d'opposition, avec 89 sièges au Bundestag (chambre basse) sur 709 sièges. Il compte également des députés dans les 16 parlements régionaux», précise de son côté la BBC.
Un lien indirect entre discours de haine et terrorisme d’extrême droite
Pour le professeur Jens Borchert, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université de Francfort, «ce qui s'est passé à Hanau est jusqu'à présent est un incident isolé». «Nous avons connu une longue série de meurtres émanant de l’extrême droite par le soi-disant NSU (commis sur des Allemands issus de l'immigration, ndlr) entre 2000 et 2007, mais nous n'avons pas connu beaucoup de ces attaques terroristes au niveau local comme celle de Hanau», nous déclare-t-il. Il pointe un «phénomène particulier» au sein de la société allemande.
«Pour faire quelque chose comme ça, il faut vraiment souffrir de sérieux problèmes psychologiques. Ce n'est pas quelque chose qui se produit seulement à cause du discours de haine ou à cause de militants de l’extrême droite parlant en public. Je pense qu'il n'y a pas de lien direct.»
Toutefois, pour le politologue, «certaines personnes dans ces cercles de l’extrême droite se sentent encouragées parce qu'elles pensent que l'extrême droite progresse dans la société allemande». «Elles estiment qu'elles ont le droit de faire quelque chose et non plus seulement de parler», explique-t-il, pour pointer ce lien indirect entre «terrorisme et racisme» dans la société allemande.
L’interaction entre terrorisme islamiste et celui de l’extrême droite
Quant aux réactions des Allemands qui critiquent l’AfD, Jens Borchert rappelle qu’il s’agit d’une formation politique qui «se porte malheureusement très bien aux élections, en particulier dans l'est de l'Allemagne». Une région qui connaît «le plus de crimes de haine, de racisme et de xénophobie contre des personnes nées à l'étranger ou des personnes d'origine étrangère».
Jens Borchert pointe aussi le fait que des terroristes comme celui de Hanau «s’inspirent de Breivik en Norvège et de l’Australien en Nouvelle-Zélande», en laissant derrière eux des manifestes pour «donner du sens» à leurs actes terroristes. «Cela ne signifie pas nécessairement qu’ils ont vraiment des relations. Je doute fort qu'il y ait un réseau mondial de terrorisme de l’extrême droite derrière», analyse-t-il. «Dans un sens, il existe une sorte d’effet d’interaction entre le terrorisme islamiste et le terrorisme d’extrême droite», enchaîne-t-il.
«Ils s'inspirent l'un de l'autre et se voient comme des adversaires naturels, mais il existe également une sorte de partenariat pervers pour attaquer et déstabiliser une société multiculturelle et pluraliste.»
Le professeur de sciences politiques considère que ces deux formes de terrorisme «copient les moyens utilisés lors des attaques violentes», provoquant ainsi un «double problème pour les sociétés démocratiques».
A rappeler que les musulmans et notamment les Marocains d’Allemagne ont exprimé, la semaine dernière, leur indignation suite au double attentat terroriste commis mercredi soir à Hanau, près de Francfort. Ils avaient exprimé, quelques jours auparavant, leurs craintes après le démantèlement, vendredi 14 février, d’une cellule terroriste proche de l’extrême droite qui planifiaient des attaques contre les musulmans d’Allemagne.