Tout a commencé un vendredi 13 janvier. Karim Tazi, homme d’affaires marocain et militant associatif qui soutient notamment le Mouvement du 20 février, a critiqué, à travers son profil Facebook, l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH) pour sa position vis-vis des émeutes, ayant survenu il y a une dizaine de jours dans la ville de Taza. Pour rappel, le 4 janvier dernier, de violents affrontements avaient eu lieu entre les diplômés chômeurs et les forces de l’ordre, faisant au moins une trentaine de blessés. Karim Tazi n’a pas hésité, une fois de plus, à donner ouvertement son point de vue sur la question.
Un franc-parler qui dérange
«Dès les premiers instants après l'annonce des émeutes de Taza et avant même d'avoir le détail de ce qui s'est passé, j'ai décrit à un ami ce que sera le futur communiqué de l'AMDH : l'état est entièrement coupable de tout, les émeutiers sont des victimes, de pauvres agneaux égorgés par le Makhzen». C’est avec ses mots-là que le patron du groupe Richbond a choisi de décrypter la position de l’association marocaine, dirigée par Khadija Ryadi. Il estime, en effet, que l’association en question ne peut pas systématiquement mettre tout sur le dos de l’Etat. Son point de vue n’a évidemment pas manqué de susciter le débat sur les réseaux sociaux.
Pour lui, l’analyse qu’a faite l’AMDH de ces événements est «sommairement la même». «La hausse des prix? C'est la faute de l'état. Les émeutes d'Ifni? Celles de Safi? Celles de Youssoufia? Celles de Khouribga? C'est la faute de l'état etc. La perte du triple A de la France? C'est la faute du Makhzen. Quand le seul outil que vous avez sous la main est un marteau, il ne faut pas s'étonner que tous les problèmes aient la forme de clous», ajoute-t-il sur un ton ironique avant de conclure qu’«à force de dispersion, de populisme, de démagogie et de mauvaise foi l'AMDH (pardon, Annahj Addimocrati) a perdu en crédibilité ce qu'elle a gagné en popularité. Navrant».
Navrant, le contrecoup de la Voie Démocratique l’est aussi. En effet, le parti proche idéologiquement de l’AMDH et se proclamant du marxisme-léninisme, a publié un long communiqué sur son site internet à travers lequel il affirme que Karim Tazi n’est autre qu’un «grand capitaliste» qui a «essayé avec Miloud Chaâbi et autres hommes d'affaires de patronner» le M20 «dans le but de faire pression sur d'autres affairistes concurrents».
Annahj qui visiblement n’a pas peur de frôler le ridicule, va encore plus loin. «Comme d'autres patrons, Karim Tazi vote pour le PJD (ces patrons ont des "tuyaux" pour savoir d'avance que le palais, la France, les USA, les monarchies pétrodollars...) ont décidé d'utiliser (conjoncturellement) les barbus comme femmes de ménage en attendant des jours meilleurs», estime-t-on du coté de la Voie Démocratique. En présentant de telles affirmations, la formation d’Annahj reproduit finalement ce même dogmatisme qu’elle reproche à Karim Tazi.
Un patron oui. Et alors ?
Né à Casablanca de père communiste et de mère militante pour les droits de l’enfance, Karim Tazi a d’abord décroché un diplôme en études appliquées en droit international à la Sorbonne, avant de poursuivre ses études aux Etats-Unis, à la Wharton Business School de Philadelphie. Aujourd’hui, il dirige une entreprise de plus de 1200 salariés. Mais ce n’est pas tout.
Contrairement au milliardaire marocain Miloud Chaâbi, Karim Tazi n’est pas un politicien. C’est plutôt un militant de la société civile. Fondateur et président actuel de la Banque Alimentaire. Il a également dirigé, de 2004 à 2007, l'Association marocaine de l'industrie du textile et de l'habillement. Mais surtout, son soutien incontesté au Mouvement du 20 février depuis sa création ne s’est pas affaibli, et ce contrairement à d’autres personnalités ou formations politiques qui ont même préféré se retirer. Karim Tazi, n’a pas manqué l’occasion pour exprimer son soutien au rappeur marocain L7a9ed lorsqu’il était encore derrière les barreaux. Tout ça pour dire que Karim Tazi n’a vraisemblablement rien à gagner en soutenant le M20 ou autre. Au contraire, sa position que l’on peut qualifier de «courageuse» pourrait mettre son entreprise en danger.