En cas de divorce, les litiges les plus importants restent ceux liés aux enfants du couple concerné par la séparation. Cela arrive au Maroc, mais c’est ce que vivent également les binationaux d’origine marocaine dans leur second pays, où les dispositions juridiques diffèrent des lois marocaines.
Par conséquent, cela peut donner lieu à deux procédures juridiques distinctes, au cas où les décisions rendues dans le pays de résidence ne conviennent pas à une partie. Que ce soit pour la pension alimentaire, la garde des enfants ou la wilaya, les raisons des désaccords entre les deux parents ne manquent pas, donnant des dimensions internationales à leurs procédures de séparation.
Litiges sur la pension alimentaire aux Pays-Bas
Aux Pays-Bas, des binationaux sont confrontés à ces situations, dont se charge notamment Me Jamal El Hannouche. Avocat au barreau d’Utrecht et spécialiste en droit de la famille, il précise à Yabiladi que «le problème principal qui fait l’objet de recours de justice chez les Néerlandais d’origine marocaine est la pension alimentaire», par le fait que les décisions rendues aux Pays-Bas diffèrent considérablement de celles du Maroc.
«Ici, les juges procèdent à une estimation de la valeur des besoins et des attentes des enfants. Ils vérifient si le père est en situation financière adéquate pour tout prendre en charge. Dans le cas échéant, les allocations permettent largement de couvrir les besoins restants», souligne-t-il.
Cependant, Me El Hannouche explique que des ressortissants se confrontent à un nouveau procès intenté au Maroc pour les mêmes raisons, «notamment au cas où le père n’aurait pas déclaré aux Pays-Bas le patrimoine en sa possession dans le pays d’origine».
«Les poursuites au Maroc deviennent un moyen pour répartir l’ensemble de cette richesse sur la pension des enfants et rappeler au parent ses responsabilités. Mais dans d’autres cas, il peut arriver que la justice marocaine rende une décision opposée à celle des Pays-Bas et qui peut porter préjudice aux enfants ou à un des époux.»
En effet, Me El Hannouche nous explique qu’«il est difficile d’avoir toujours une adéquation entre les décisions rendues dans les deux pays, en cas de litige dans une même affaire de divorce». Selon l’avocat, cela est dû notamment à l’absence d’un accord de justice bilatéral spécifique au droit de la famille.
«Pas conséquent, la garde partagée aux Pays-Bas devient attaquable au Maroc, de même que la wilaya partagée entre les deux parents ici et qui n’est reconnue qu’au père dans le pays d’origine, alors que dans plus de 90% des cas, c’est la mère qui a la garde des enfants», cite-t-il comme exemples.
«Cela fait aussi qu’un remariage de la mère soit susceptible de priver cette dernière de ses enfants au Maroc, alors que sa nouvelle union n’est pas préjudiciable aux Pays-Bas», ajoute-t-il. En revanche, «la convention de la Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux (conclue le 14 mars 1978) protège les droits des enfants car cette incohérence peut porter atteinte à leur épanouissement», souligne l’avocat.
En vertu de ce principe, «le tribunal néerlandais peut ordonner de rapatrier les enfants aux Pays-Bas, s’ils sont emmenés au Maroc par leur père sans l’accord de leur mère».
Déplacements illicites entre la France et le Maroc
Les problématiques juridiques au sujet des enfants après le divorce de parents binationaux sont nombreuses, y compris en France. Avocat au barreau de Paris depuis 1993, Abel Souhair se charge de nombreux dossiers de MRE. A travers son expérience, il nous explique que la plupart des cas devant la justice sont «le déplacement illicite des enfants, par l’un des parents, les vacances et la sortie du territoire de leur résidence, avec le parent voyageur».
Comme aux Pays-Bas, «le recouvrement de la pension alimentaire fixée dans le pays de résidence, dès lors que l’autre parent est parti dans son pays d’origine, ou encore la demande de fixation d’une autre pension alimentaire dans le pays d’origine», est aussi un sujet de discorde en France.
En d’autres termes, «le recours à une justice de substitution pour obtenir une décision favorable est souvent exercé par l’un des parents en matière de déplacement illicite des enfants, de pension alimentaire non réglée dans le pays de résidence des enfants, de garde des enfants par la mère, entre autres», nous explique Me Souhair, également président de l’Association des avocats franco–marocains de France et spécialisé en droit de la famille.
«Le droit français connaît plusieurs régimes matrimoniaux : le régime de la communauté réduite aux acquêts, le régime de la séparation des biens, le régime de la communauté universelle… Quant au droit marocain, il ne connait qu’un seul régime qu’est la séparation des biens.»
Cela dit, Abel Souhair nous rappelle que depuis 2004, «l’article 49 du Code de la famille marocain a introduit la possibilité de faire rédiger un acte séparé de l’acte du mariage, permettant de s’entendre sur les modalités de fructification des biens communs acquis au cours du mariage, ce qui s’apparenterait à un régime de communauté de biens réduites aux acquêts».
Cependant, le problème se pose lors du divorce, dans le pays de résidence, lorsque les époux découvrent les conséquences du divorce sur le régime matrimonial subi ou choisi, «avec en plus les conséquences de la convention de la Haye (entrée en vigueur en France le 1er septembre 1992) et qui s’applique même aux étrangers résidents en France», nous explique encore l’avocat.
Ainsi, le spécialiste tient à mentionner que «les dispositions de cette convention sont, sous réserve d’un certain délai, susceptibles de modifier automatiquement le régime matrimonial du pays d’origine, qui s’en trouve changé». «S’il peut être à priori favorable à la femme, pour les biens situés en France, il ne l’est pas pour les biens situés au Maroc, ce qui constitue, là également, une véritable inégalité entre hommes et femmes», nuance Me Souhair.
Ceci étant, l’avocat garde espoir que ces inégalités soient de plus en plus mises à mal par le biais d’instruments juridique existants. «Les principes d’égalité introduits dans le droit français par la Convention européenne des droits de l’Homme serviront, dans un avenir proche, aux juridictions, à casser la primauté de l’homme sur la femme, comme cela a été fait pour le divorce-répudiation», note-t-il dans ce sens.