L’objectif «faim zéro» d’ici 2030 fixé par l’ONU pour le développement durable pourrait être mis à mal. Pour cause, l’insécurité alimentaire et ses conséquences sur les populations est en hausse depuis 2015. L’alerte a été lancée à plusieurs reprises par les institutions onusiennes. Lundi, elle a été réitérée avec la sortie d’un nouveau rapport mondial, réalisé par quatre agences, à savoir la FAO, l’UNICEF, l’OMS et le Programme alimentaire mondial (PAM).
Selon ces instances, la régression enregistrée ces trois dernières années en matière de lutte contre l’insécurité à travers le monde est telle que les efforts observés au cours de la dernière décennie n’ont pas suffi à contenir un retour en arrière qui renvoi le monde à la situation de 2009. La tendance est générale, puisque même les personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée font désormais face à des incertitudes sur leur capacité à obtenir de la nourriture.
Source : FAO
Par conséquent, ces personnes sont «contraintes de réduire, parfois au cours de l’année, la qualité et / ou la quantité de nourriture qu’elles consomment faute d’argent», par «manque d’accès constant à la nourriture, ce qui nuit à la qualité de l’alimentation, perturbe les habitudes alimentaires et peut avoir des conséquences négatives sur la nutrition, la santé et le bien-être». Quant aux personnes touchées par une grave insécurité alimentaire, ils auront «fait l’expérience de la faim et, au pire, ont passé plusieurs jours sans manger, mettant ainsi leur santé et leur bien-être en péril», indiquent les auteurs.
L’Afrique particulièrement touchée par les effets de la malnutrition
En Afrique du Nord, la prévalence de malnutrition a ainsi connu une hausse, après avoir légèrement baissé à la moitié des années 2000. En 2005, son indice a été de 6,2%, baissant en 2010 à 5%, pour augmenter ensuite à 6,9% en 2015, 7% en 2016 et atteindre près de 7,1% en 2018, selon la FAO. L’Afrique est en effet l’un des continents les plus touchés, avec l’Asie. Sur le continent noir, les chiffres ont évolué respectivement durant les mêmes années de 21,2%, 19,1%, 18,3%, 19,2%, 19,8% à 19,9%.
Au cours des mêmes années à travers le monde, elle a évolué respectivement de 14,5%, 11,8%, 10,6%, 10,7% à 10,8%. Les chiffres de cette prévalence augmentent par l’évolution de la pauvreté et du taux de retards de croissance par enfant.
Ces chiffres confirment ceux d’un précédent rapport de la FAO publié en mai dernier, soulignant que le Maroc, entre autres pays, reste concerné par la question. Entre 2015 et 2017, 1,4 million de Marocains ont en effet connu une sous-alimentation chronique. A cause de l’insécurité alimentaire dans le pays, 14,9% d’enfants connaissent un retard de croissance, 2,3% un amaigrissement (émaciation) et 3,1% une maigreur extrême (insuffisance pondérale), tandis que 11,8 souffre de surpoids.
La prévalence d’anémie chez les filles et les femmes de 15 à 49 ans, est de 36,9%, tandis que 26,1% d’adultes ont souffert d’obésité (de modérée à sévère). En matière de sous-alimentation et d’insécurité alimentaire ainsi que leurs conséquences, le précédent rapport de la FAO, publié cette année-même, indique que ces données contrastent avec le taux d’autosuffisance du pays en matière de fruits et légumes (116%), de viande (100%), en oléagineux (98%), en lait (95%) ou encore en céréales (59%).
Une répartition équitable des richesses s’impose
Pour les quatre instances onusiennes signataires du récent rapport, la détérioration de la situation est globalement liée aux «inégalités dans la répartition des terres agricoles et du non-recours à des économies équitables».
En Afrique articulièrement, où «l’accès à la terre et à ses biens, à l’eau, aux capitaux, aux finances, aux services de l’éducation et de la santé ainsi que la participation aux processus de croissance économique» est «plus difficile pour les plus pauvres», selon le rapport.
En effet, tous ces facteurs «ralentissent les progrès en matière de réduction de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition». «Par exemple, les plus pauvres accèdent peu à une éducation poussée, ce qui les empêche de participer activement à l’économie et à toucher des salaires décents, réduisant le taux de croissance économique globale et nuisant davantage aux pauvres, compromettant leur sécurité alimentaire», explique le document.
De plus, les groupes de population pauvres et marginalisés du monde restent «confinés» aux «pièges de la pauvreté», ne disposant notamment pas d’un régime foncier sécurisé, dans un continent où «les femmes contribuent de manière essentielle à l’agriculture dans les pays à faible revenu» mais ont «le moins accès aux ressources productives et aux mêmes opportunités que les hommes».