Nous avons eu droit à quasiment le même refrain chez les partis politiques vendredi et tout au long du week-end : le taux de participation est un indicateur positif qui montre une amélioration du dialogue entre les citoyens marocains et les institutions politiques. Le taux de participation a certes augmenté mais sans atteindre la barre symbolique des 50%.
Mais n’importe quel statisticien vous le dira, un taux ou une moyenne ne signifie pas grand-chose si on n’a pas connaissance des données permettant de calculer cet indicateur. Tout d’abord il faut noter que le nombre d’électeurs inscrits sur les listes a beaucoup baissé entre 2007 (année des législatives précédentes) et 2011. Ainsi nous sommes passés de 15,5 millions à 13,5 millions alors même que la population en âge de voter a légèrement augmenté entre 2007 et 2011. Un nettoyage des listes qui est sans doute justifié mais qui augmente mécaniquement le taux de participation. Si ce nettoyage avait été décidé pour les élections de 2007, le taux de participation - établi officiellement 37% - serait passé à environ 43%... très proche donc du taux de 2011.
70% des Marocains ont boudé les urnes
Mais plus que le taux et le nombre d’inscrits, c'est-à-dire le dénominateur, l’indicateur le plus important est le numérateur : le nombre de votants. Si 5,8 millions d’électeurs se sont déplacés vers les bureaux de vote en 2007, il y en a eu 6,2 millions en 2011. Une sensible amélioration mais qui ne semble pas suffisante pour entonner, tous en cœur, le refrain du sursaut citoyen des Marocains. Si on estime que la population en âge de voter a sensiblement augmenté entre 2007 et 2011, la hausse du nombre de suffrages exprimés peut même être considérée comme non significative. En clair, il y autant, voire plus, de personnes en âge de voter qui se sont abstenues.
Les raisons de cette défiance vis-à-vis du processus électoral peuvent être segmentées en deux : ceux qui ont sciemment décidé de boycotter et ceux qui s’abstiennent par manque d’intérêt ou par dépit. Si on va plus loin, aux 70% de la population en âge de voter ne participant pas aux élections, il faut ajouter ceux qui ont voté blanc ou nul. Si on estime que ce taux en 2011 est équivalent à celui de 2007, ce n’est pas moins de 1 million de votes qui n’ont bénéficié à aucun parti.
Le Mouvement du 20 février coupable ?
Si le taux de participation n’a pas été exceptionnel, on ne peut cependant affirmer que l’appel au boycott du Mouvement du 20 février (M20), des partis d’extrême gauche et des islamistes de Al Adl Wal Ihssane ait eu un impact significatif sur le taux d’abstention. Il ne peut revendiquer l’abstention - équivalente à 2007 - comme sa réussite personnelle. Mais certains leaders politiques n’ont pas non plus à plastronner comme ils le font, voyant dans le chiffre de 45,5% une deuxième victoire face au M20, après celle toute relative du référendum constitutionnel.
Car justement cette réforme constitutionnelle aurait du créer une dynamique participative inédite puisqu’elle est censée donner plus de pouvoir au gouvernement et au parlement. Le constat reste donc assez négatif pour le processus démocratique au Maroc.
Pourtant, le point positif de ces élections est l’unanimité exprimée sur la transparence du scrutin. Les autorités ne sont pas intervenues pour orienter les résultats qui, peut-être pour la première fois, reflètent l’opinion des électeurs marocains. Le défi, pour les cinq prochaines années, mais surtout les prochains mois, sera de redonner foi en la représentation politique et réconcilier les Marocains avec les élections. Une responsabilité pour le nouveau gouvernement qui ne doit pas faillir et répondre aux attentes des Marocains même (ou surtout) ceux qui n’ont pas voté. Ce dont le Maroc a besoin, c’est évidemment d’élections toujours plus démocratiques mais également avec un nombre d’électeurs sensiblement plus important. Certains verront cela comme une ironie de l’histoire, mais, finalement, l’avenir du processus démocratique au Maroc est entre les mains du PJD.