La semaine dernière, Yabiladi révélait que la Chambre française du commerce et de l’industrie du Maroc (CFCIM) est témoin de pratiques d'un autre âge. A travers des articles discriminants à l’égard des marocains et des Franco-marocains, la plus grande CCI française à l’étranger, vieille de plus d'un siècle, est la seule au monde à interdire aux locaux mais aussi aux Français d'origine marocaine l’accès à son conseil d’administration à travers l’article 12 de ses statuts pourtant révisés en 2007. Une discrimination, bien qu’interdite par le code pénal marocain, qui ne semble pas inquiéter les responsables au sein de la CFCIM ni les autorités marocaines.
En fouillant dans les archives des CCI de France à l’étranger, le cas de la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie (CFCIA) a particulièrement retenu notre attention. Et pour cause, en 2009, les responsables de ladite chambre avaient fini par se plier aux règles des autorités du pays hôte. Pour une non-conformité aux lois algériennes en vigueur, les activités de la CFCIA avaient été gelées jusqu’en 2011.
Un bras de fer entre CFCIA et autorités algériennes
En 1975, des hommes d'affaires français établis en Algérie réussissent à décrocher un agrément pour mettre en place la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie. Association privée de droit algérien, la CFCIA continuait d’exercer ses activités juqu’en 1990. Cette année-là, la chambre française commençait une période de flottement suite à la démission de sa directrice générale en raison de l'insécurité qui régnait en Algérie voisine. Mais le flambeau est vite repris par Jean-François Heugas en tant que directeur général et Michel De Caffareli en tant que président, comme le rapporte le Quotidien d’Oran en 2011.
Mais en 1990, une nouvelle loi sur les associations, promulguée par le ministère algérien de l’Intérieur, viendra chambouler le fonctionnement de la CFCIA. Son article 4 énonçait que «sous réserve des dispositions de l’article 5 de la présente loi, toutes personnes majeures peuvent fonder, administrer ou diriger une association si elles sont de nationalité algérienne, jouissent de leurs droits civils et civiques et n’ont pas eu une conduite contraire aux intérêts de la lutte de libération nationale».
Quant à l’article 5, il considère comme nulle de plein droit toute «association fondée sur un objet contraire au système institutionnel, établi, à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou aux lois et règlements en vigueur ou dont des membres fondateurs ne remplissent pas les conditions fixées à l’article 4».
Cerise sur le gâteau, l’article 24 vient même interdire «aux associations d’introduire dans leurs statuts ou de pratiquer toute discrimination entre leurs membres de nature à porter atteinte à leurs libertés fondamentales».
LA CFCIA sommée de se conformer à la nouvelle loi
Mais la CFCIA, ne disposant que de six mois pour se conformer à la nouvelle loi, avait choisi la fuite en avant. «Ses dirigeants ont, selon des sources algériennes, refusé de se plier». La chambre avait alors commencé à «fonctionner à partir de Paris sous l'appellation CFCIA-section France», tout en gardant la «section algérienne en mode veille».
En 1995, profitant de la préoccupation des autorités algériennes par la situation interne, la CFCIA était de retour en Algérie, pour s’installer à la villa Clarac sur les hauteurs d'El Mouradia et exercer via l'agrément de 1975. «Elle fonctionnait hors normes, en toute illégalité, sans agrément, sans paiement des impôts [dus à] l'Etat algérien, a été même labellisée par Ubifrance, l'organe chargé de promotion du commerce extérieur français et participait aux différentes éditions de la Foire internationale d'Alger», commente le média algérien.
Les rappels à l’ordre s'étaient alors multipliés, en 1999, en 2004 puis en 2006. En juillet 2009, la «demande française de mise en conformité de la CFCIA avec les lois en vigueur» est remplacée par le dépôt d'un dossier d'agrément auprès du ministère algérien de l’Intérieur. Un dossier qui vise à «carrément recréer la chambre sur la base d'un changement de statut avec de nouveaux membres fondateurs et une nouvelle assemblée générale». Des membres-fondateurs qui, conformément à la loi, sont avant tout Algériens.
Un CA à parité entre Français et Algériens depuis 2011
«Pour se relancer en Algérie, la CFCIA change de Statut et intègre des Algériens dans son Conseil d’administration» titrait en 2010 le média Algérie Focus, en revenant sur le bras de fer ayant opposé les ténors de la CFCIA et les autorités algériennes. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2011 que la nouvelle Chambre du commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF) est venu remplacer la CFCIA en décrochant un agrément du ministère de l’Intérieur.
C’était même «l’ancien vice-président et trésorier de la CFCIA Jean-Marie Pinel [qui s’était chargé] de reconfigurer le Conseil d’administration de la nouvelle CCIAF pour le recomposer à parité entre Algériens et Français». Un «acquis de taille à mettre sur le compte de la fermeté d’Alger à l’égard de Paris», conclut Algérie Focus.
Depuis, et contrairement à la Chambre française du commerce et de l’industrie du Maroc où seuls les Français (non Marocains) sont admis, le conseil d’administration de la CCIAF est composé, lui, de Français et d’Algériens...