Dans les tiroirs depuis 2013, la proposition de loi criminalisant la normalisation avec Israël est remise en avant au sein du Parlement marocain. Porté par l’Observatoire marocain contre la normalisation, le texte a notamment le soutien des groupes parlementaires du PJD, de l’Istiqlal, de l’USFP et du PPS, qui appellent une nouvelle fois à examiner cette proposition de loi. Ils considèrent celle-ci comme une réponse à la décision du président américain Donald Trump, visant à transférer l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem.
Contacté par Yabiladi, le député PJD Abdellah Bouanou affirme en effet que son parti «va soumettre cette proposition de loi mise à jour à l’examen de la nouvelle Chambre des représentants», et que les groupes parlementaires ont déjà commencé à coordonner leurs actions à cet effet.
«Je pense qu’il existe aujourd’hui une grande volonté de concrétiser cette proposition de loi, ajoute le député. Ce qui se passe actuellement en Palestine, à Jérusalem et à Gaza pousse tout le monde à prendre des mesures concrètes et je pense que ce texte est une solution pratique. La situation en Palestine évolue quotidiennement, ce qui nous pousse à nous unir tous pour passer à des actions concrètes.»
Deux propositions de loi contre la normalisation
Selon Bouanou, le PJD coordonne cette démarche avec l’USFP, l’Istiqlal et le PPS. Quant au PAM, le député estime que celui-ci «a déjà présenté une proposition de loi, indépendante de celle des autres groupe parlementaires, qu’il a rapidement retirée. Personne ne sait encore si le PAM se joindra à la coordination des autres partis».
A l'instar de Bouanou, Noureddine Mediane (Istiqlal) nous confirme à son tour que cette proposition de loi sera réexaminée par la Chambre des représentants : «Nous avons proposé ce texte depuis un moment, nous ne ferons que l’actualiser, en coordonnant avec les autres partis».
Cependant, une source à la Chambre des représentants a affirmé à Yabiladi qu’il n’y avait pas encore d’actions concrètes dans ce sens. «Cette proposition a été évoquée dans les interventions des groupes parlementaires en plénière des deux chambres. Mais concrètement, rien n’est fait à ce jour, poursuit notre source. A ma connaissance, la proposition actualisée n’a pas encore été déposée au bureau du Parlement, pour qu’elle puisse être mise dans l’ordre du jour.»
Cette nouvelle version aura-t-elle plus de chance d'aboutir ? Notre même source estime que le contexte serait favorable à un examen : «Je pense que dans la situation politique actuelle, le texte trouvera son chemin pour être examiné au sein de la Chambre des représentants. Le Parlement a abrité aujourd’hui aussi une Conférence des chefs des parlements arabes qui ont eux aussi abordé le sujet».
Une proposition de loi sans suite ?
La mouture du texte proposée en 2013 prévoit que «quiconque commet ou participe à des actes de normalisation avec l’entité israélienne ou tente de les commettre, écope d’une peine de prison allant de deux à cinq ans et d’une amende allant de cent mille à un million de dirhams. Les dispositions de la présente loi sont valables également pour quiconque demande la nationalité israélienne».
La proposition de loi définit la «normalisation» comme étant «toute opération commerciale ou financière prévue dans le Code du commerce et conclue avec l’entité israélienne», de même que «tout service professionnel, loué, payé ou gratuit, rendu à l’entité israélienne de manière directe ou par le biais d’intermédiaires». Ce texte est valable pour «toute personne physique ou morale, résidente au Maroc ou à l’étranger».
De son côté, le président de l’Observatoire marocain contre la normalisation, Ahmed Ouihmane, affirme auprès de Yabiladi que «le défi est aujourd’hui de faire en sorte que la version actualisée du texte ne reste pas dans les tiroirs».
«Nous sommes conscients de l’ampleur des pressions que subit le Maroc pour garder ce texte en standby, poursuit le militant. Mais nous n’arrivons pas à concevoir qu’il traine depuis quatre ans, comme si le Maroc n’avait aucune souveraineté sur ses décisions.»
Cela dit, Ouihmane reste positif sur le devenir de cette proposition de loi, d’autant plus qu’elle a gagné l’adhésion de groupes parlementaires qui constituent, entre autres, la coalition gouvernementale.
«Lorsqu’on en vient à la souveraineté, le favoritisme n’a pas sa place, ajoute le président de l’Observatoire. Il est vrai qu’il y a eu des courriers envoyés au roi et que les lobbys d’Amérique et d’Europe commencent à peser de leurs poids, mais il est de notre devoir de ne pas céder à la tutelle et à ces ingérences. Nous sommes convaincus de pouvoir franchir le pas concernant cette proposition de loi, car notre combat est jute. L’entité sioniste ne se suffit plus à oppresser les citoyens palestiniens et à les torturer. Désormais, elle porte atteinte également à la symbolique d’Al Qods comme lieu saint et troisième repère pour la communauté musulmane».
Tenu aujourd’hui à Rabat, le Sommet des présidents des chambres parlementaires arabes a d’ailleurs conclu sur la nécessité de prendre des mesures concrètes, afin de contrer la décision de Donald Trump. Dans leur communiqué final, ils ont condamné une nouvelle fois la reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne, soulignant qu’ils ont désormais retiré leur confiance aux Etats-Unis en tant que gardien de la paix internationale. Quant au devenir du texte criminalisant la normalisation, il restera encore tributaire de sa présentation devant la Chambre des représentants.