Ca a tué tout monde !», s’amuse encore Omar Djellil. L’homme, secrétaire général d’une mosquée marseillaise, président de l’association Présence Citoyenne a été reçu, avec des amis «barbus» en djellaba, au Conseil Régional PACA, à Marseille, le 27 avril, par le conseiller régional du FN Stéphane Durbec. «Il s’est rendu compte qu’être musulman et patriote n’est pas incompatible», explique-t-il avec fierté. Selon Vincent Geisser, dans un tchat pour Le Monde.fr en 2007, 5% des Français musulmans votent à l’extrême droite. La proportion est faible mais pas insignifiante.
Ces dernières années s’est opéré, dans le discours public, un glissement sémantique des «enfants d’immigrés», vers les «musulmans». «Un peu comme si, finalement, les Français héritiers de l’immigration maghrébine et africaine s’étaient islamisés en l’espace de quelques années. Il s’agit bien sûr d’une représentation, et non de la réalité», explique Vincent Geisser. Omar Djellil reprend à son compte cette représentation et, dans son rapprochement avec le FN, l’utilise indirectement. Il se positionne comme musulman et Français patriote. Une position beaucoup plus tenable et audible que s’il s’était présenté comme un enfant d’immigré, celui qui n’est jamais «tout à fait Français».
Le choix de voter pour le FN par des Français issus d’une immigration récente s’explique aussi sur un mode simple : le dernier arrivé ferme la porte. «[La France] a tout donné aux clandestins régularisés arrivés en terrain conquis, leur distribuant des logements sociaux et des aides», estime, amère, Nora, sympathisante du FN, rapporte VSD. Nicolas Lebourg, historien de l’extrême droite, explique : «quelle meilleure preuve d’intégration que de voter FN ? On avait déjà observé ce besoin de devenir plus nationalistes que les autres pour s’intégrer chez les skinheads des années quatre-vingt, souvent descendants de Portugais et d’Espagnols».
Enfin, et surtout, le vote communautaire n’existe pas réellement en France. Il n’existe donc pas de vote musulman, selon la sociologue Nacira Guenifi. «Les variables religieuses comptent beaucoup moins dans la détermination du vote que les variables sociales classiques», assure Vincent Geisser. Ainsi, lorsque des musulmans votent à l’extrême droite c’est qu’ils adhèrent à ses valeurs, à sa logique. «Quand le FN dit qu’il y a de l’insécurité, je dis oui, et nous en sommes les premières victimes», pose Omar Djellil. L’insécurité, le patriotisme, le «politiciens tous pourris» sont des thèmes qui rassemblent les sympathisants du FN par delà les religions et le racisme. «Le front républicain contre Le Pen en 2002 ? Le front de ceux qui veulent conserver leurs petits privilèges, oui !», lance Omar Djellil.
Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°8