La Caisse nationale de retraites et d'assurances (CNRA), filiale de la CDG, a suspendu le versement des pensions de retraite des anciens députés parlementaires depuis le 1er octobre. C’est ce qu’indiquent mercredi plusieurs médias nationaux, citant une correspondance interne du secrétariat général de la Chambre des représentants. Cette dernière affirme avoir reçu une lettre de la CNRA dans laquelle la filiale de la CDG explique cette suspension par un déficit budgétaire. La Caisse explique que les 29,7 millions de dirhams dont elle dispose au 15 septembre 2017 ne lui permettent plus de continuer à verser les anciennes et nouvelles pensions de retraite.
La note du bureau de la Chambre des représentants. / Ph. FebrayerLa note du bureau de la Chambre des représentants. / Ph. Febrayer
Al Araby Al Jadid a rapporté hier, citant une source informée, que le ministère de l’Economie et des finances a contacté le bureau de la Chambre basse pour discuter d’éventuelles solutions pour combler le déficit. Le média arabophone basé à Londres rappelle que 150 ex-députés se sont plaints auprès du président de la deuxième chambre de ne pas avoir reçu leur pension le mois dernier. «El Habib Malki leur a promis de trouver une solution», conclut la même source.
Une bonne et mauvaise nouvelle. Pour les anciens députés, y compris ceux de la législature précédente, cela implique une suspension de plusieurs milliers de dirhams perçus mensuellement pour un maximum de trois mandats parlementaires. Pour les détracteurs et les ténors du débat sur les retraites des parlementaires, il s’agit d’une énième occasion pour que le débat sur cette pension, que certains qualifient de «rente», refasse surface.
Plusieurs propositions de réforme, aucune mesure prise
L’éventuelle faillite de la caisse de retraites des parlementaires n’est pas une surprise. Déjà en mai dernier, alors que le débat était au cœur de l’actualité avec notamment les montées des appels à la réforme, une guerre de déclaration entre le PJD et le PAM avait été déclenchée. Le groupe parlementaire du Tracteur à la Chambre des conseillers avait déposé une proposition de loi sur la réforme des retraites des parlementaires, avec deux amendements phares : le PAM proposait d’abord que seul le parlementaire cotise pour sa retraite sans intervention du Parlement et qu’il ne perçoive cette retraite une fois atteint l’âge requis.
Une proposition qui a fait grincer des dents dans les rangs parlementaires et des ex-parlementaires PJDistes à la Chambre basse, qui n’ont pas manqué d’accuser le PAM de «plagiat».
Une source au sein de la Chambre des représentants nous rappelle ce jeudi que le groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme avait, lors de la précédente législature, déposé une proposition similaire à la Chambre basse. Celle-ci s’intéressait également à la cotisation des parlementaires et à l’âge à partir duquel un député peut bénéficier de ses pensions.
A l’instar de la proposition du PAM, la proposition du PPS n’a plus jamais refait surface depuis son annonce. D’ailleurs, en février 2016, Akhbar Alyaoum pointait du doigt la disparition de cette proposition de loi du bureau de la Chambre basse. On ne sait pas non plus si celle du PAM a été transférée devant les services compétents au sen de l’hémicycle, ou si elle connaîtra le même sort que celle du PPS.
Pour l’instant, seule la Chambre des représentants est concernée par cette faillite. Si la réforme est décidée, elle concerna les deux chambres du Parlement marocain.
Un débat… presque saisonnier
Si du côté du législateur les choses semblent piétiner, du moins jusqu’à la réception de la lettre de la CNRA, la mobilisation des ténors des retraites des parlementaires reste saisonnière. Elle intervient surtout lorsque cette question est abordée par un responsable ou un autre.
Rappelez-vous, en décembre 2015, cette polémique avait atteint son apogée au lendemain de la sortie médiatique de Charafat Afilal, alors ministre déléguée chargée de l’Eau. Invitée sur le plateau d’une émission, elle avait qualifié de «populaire» le débat sur les retraites des parlementaires et des ministres, expliquant que ces responsables politiques ne touchent que «deux francs». Malgré ses excuses aux Marocains, la ministre avait été lynchée sur les réseaux sociaux et le débat s’était poursuit quelques jours.
En 2013 aussi, l'appel d’un associatif à l’occasion de la commémoration des 50 ans du Parlement du Maroc avait appelé à «l’arrêt de [cette] rente politique». Les réactions des Marocains, des parlementaires et des ministres s’en étaient suivies. La même année, une pétitionappelant à «mettre fin aux pensions de retraite des parlementaires» étaient apparue. Jusqu’à ce jeudi, elle a été signée par 21 978 personnes. Bien que les dernières signatures datent de quelques semaines seulement, le chiffre reste dérisoire compte tenu de la mobilisation sur les réseaux sociaux que suscite ce sujet.
En attendant la formule de Habib El Malki pour sauver les pensions de retraites des parlementaires et concocter une nouvelle réforme, le sujet, qui divise les Marocains et leurs parlementaires, risque d’être relancé.