Réunir un maximum de personnalités publiques, d’intellectuels et de citoyens marocains pour marcher d’abord vers Al Hoceima puis vers l’institution monarchique dans le but de mener une médiation entre le Hirak et l’Etat. Telle est l’initiative lancée par le politologue et universitaire Abdessamad Belkebir. Si sa proposition ne mobilise pas dès cette semaine, il faudra penser à d’autres initiatives pour sortir de l’impasse, estime-t-il.
Parlez-nous de l’initiative que vous venez de lancer...
La «marche blanche» est une initiative qui est venue après la crise et l’attente vécue par tout le monde. Il n’est plus permis aux parties habituées à prendre des initiatives de continuer à le faire car le gouvernement est contesté et les partis politiques sont considérés comme des «boutiques». Les deux sont donc en dehors du processus.
Quant à Sa Majesté, il ne peut pas interférer dans ces conditions parce qu'il a une autorité d’arbitrage. S’il fait des concessions au détriment de la sécurité et du gouvernement, cela signifierait que le prestige de l’Etat n’est plus. Les protestants ne sont pas disposés à mettre un terme à leurs manifestations jusqu'à la libération des détenus, alors que ceux-ci ne peuvent être libérés qu’après être parvenus à un consensus. Nous sommes donc dans une mauvaise posture.
Votre initiative intervient peu de temps après une initiative similaire lancée par Hassan Tariq et d'autres intellectuels…
L’initiative lancée par Hassan Tariq n’a pas été perfectionnée parce qu'il n'a pas consulté les personnalités qu’il a proposées. Ma proposition est donc venue pour sortir de l'impasse, parce que nous remarquons une sorte d’entêtement. A cet égard, je considère que le fait que l'une des parties ait raison et que l’autre ait tort n’est pas toujours valable. Parfois, elles peuvent avoir toutes les deux raison sans pouvoir atteindre un consensus. D’où cette initiative, qui vise à résoudre le problème tout en préservant le droit de chaque partie.
Avez-vous reçu le soutien de certaines personnalités ou des autorités ?
Avant le lancement de l'initiative, j’ai consulté un certain nombre de personnes qui m’ont encouragé. Certaines sont influentes au sein de la société marocaine, à l’instar de Mustafa Benhamza et Moulay Abdeslam Jabli, symbole de la résistance, et Khnata Bennouna. Quant aux salafistes soutenant cette initiative, je cite Hammad Kabbaj.
Qu’en est-il des partis politiques ?
Ils ont été informés mais pas consultés parce que l'initiative ne les concerne pas. Ni eux, ni le gouvernement. Bien sûr, j’ai foi en l’Union marocaine du travail (UMT). Nous nous souvenons du rôle joué par l'Union générale tunisienne du travail dans la récente crise en Tunisie. Ce sont les mêmes conditions au Maroc. Ce qui est différent, c’est le fait qu'ils n’ont qu’un seul et unique syndicat alors que nous avons plusieurs centrales syndicales.
L’UMT discute afin de prendre des mesures parce qu'elle possède un dispositif logistique capable de mobiliser, d’organiser, de superviser et de coordonner. Je suis toujours dans l’attente de leur réponse. Plusieurs dirigeants du syndicat appuient l'initiative, mais ils tiennent actuellement des réunions de consultation. Pour l’heure, les choses sont au point mort. Entre aujourd'hui et demain, on aura peut-être une décision finale.
Pensez-vous que votre initiative trouvera écho auprès des parties concernées ?
Dans l'histoire de l'humanité et des sociétés, chaque crise a une solution. Nous avons lancé cette initiative et espérons qu’elle marchera. En cas d’échec, d’autres initiatives verront le jour. Mais dans tous les cas, tout le monde est en crise et dans une position délicate. Nous avons tous intérêt à sortir de cette impasse.
Il est clair que la solution ne réside pas seulement dans le cadre d'une formule nécessitant la rencontre d’une centaine de personnes sous la direction des élites reconnues, comme la Zaouia Boutchichie, les chefs de tribus et des personnalités de renom à l’instar d’Abderrahman Youssoufi ou Moulay Ismail Alaoui. Cette marche se dirigera vers Al Hoceima pour frapper aux portes et s’asseoir avec la population. Je ne pense pas qu’ils en reviendront bredouilles. Lorsque les manifestations cesseront, les leaders de l'initiative se dirigeront vers Sa Majesté. Tout cela se passera dans un contexte de réconciliation et non pas dans un cadre de «vainqueur contre vaincu».
Je ne possède que le pouvoir de proposer. J’ai donc présenté cette initiative. Lorsqu’elle sera adoptée par une partie, celle-ci prendra le relai. Le pas le plus important est la consultation avec l'État lui-même. Si cette initiative peut constituer la base d'une solution, elle sera certainement soutenue par tout le monde. Ce sur quoi j’aimerais insister, c’est le fait que la mise en œuvre de cette initiative reste urgente. Si les feedbacks ne nous parviennent pas dès cette semaine, cela signifiera qu’elle a tout simplement échoué.