Après plusieurs communiqués de presse annonçant son soutien au Hirak du Rif, le Mouvement Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance), la Jamâa, interdit mais toléré par les autorités, s’est exprimé par la voix de son secrétaire général sur les récents rebondissements.
«Je suis d'origine rifaine, c'est ma terre», a lancé d’emblée Mohamed Abbadi lors d’une interview accordée à Chahed TV, la web TV du mouvement, reprise par le média Al-Thawra News. L’homme est ensuite revenu sur la colonisation espagnole, le recours aux armes chimiques, l’immigration des Rifains vers l'Europe dans les années 60 et le développement du haschisch dans le Rif. «Les infrastructures sont peu développées dans la région. Tout ça explique l'oppression spécifique que subit en particulier le citoyen rifain au Maroc. Le régime a toujours été méfiant vis-à-vis de cette région frondeuse», dit-il.
«L’explosion sociale était prévisible face à cette situation. La seule réponse qu'a obtenue le mouvement de protestation rifain, le Hirak, a été d’ordre sécuritaire, ce qui n'a fait qu'attiser la situation. Il faut que l'Etat dialogue et réponde aux revendications basiques des gens ; pas seulement les Rifains, mais l'ensemble du peuple marocain, qui veut sa part de richesse et de liberté.»
Le successeur d’Abdeslam Yassine estime que «l'injustice touche l'ensemble du pays et [que] le risque de contagion est réel si la raison du régime ne l'emporte pas». «Nous demandons à Allah que la situation évolue positivement et que nous nous maintenions sur la voie pacifique, même si c’est justement l’Etat qui brise ce pacifisme», enchaîne-t-il. «Les manifestations ont toutes été très bien organisées, les biens publics ont été protégés.»
Pour Abbadi, l'islam est devenu un instrument idéologique de l'Etat
Revenant sur l’arrestation des figures de proue de la contestation du Rif, à l’instar de Nasser Zefzafi, le secrétaire général de la Jamâa évoque notamment la politisation de l’islam.
«Nous voyons également ce régime, qui pourtant nous met sans cesse en garde contre la politisation de l'islam, politiser la religion pour en faire un instrument idéologique de l'Etat. Si elle n'est pas conforme à son idéologie, elle est bannie des mosquées, des minbars et de la société.»
L’occasion pour lui de citer «un exemple récent et concret avec ce petit village près de Kelaât Es-Sraghna», où un imam appartenant à Al Adl Wal Ihsane a été démis de ses fonctions. «La prière du vendredi n'y a plus lieu, mais c'est à Zefzafi que l'on reproche d'avoir interrompu la prière» du vendredi 26 mai à Al Hoceima, ironise-t-il.
Le secrétaire général de la Jamâa affirme même avoir participé «à titre personnel à des marches à Al Hoceima». «Pas officiellement car notre mouvement est toujours soupçonné par l'Etat de ‘manipuler’ les mouvements», poursuit-il, soutenant que le Hirak du Rif signifie «que la nation est toujours vivante car si l'injustice s'étendait et que personne ne se levait contre elle, alors cela voudrait dire que nous sommes morts».
Il insiste ensuite sur l’importance de maintenir un Hirak pacifique. «Il faut que nous ressortions avec une charte commune, qui tracera une ligne directrice pour l'avenir du pays et le sauvera de l'effondrement pour permettre à chaque citoyen de vivre dignement», affirme-t-il.
Mohamed Abbadi adresse enfin aux autorités et aux responsables un message en «ce mois béni» : «Craignez Allah d'abord pour vous-mêmes. Craignez Allah pour cette nation.»