L’hebdomadaire français Le Point parle d’un «moment historique» dans la construction du culte musulman en France. L’institut musulman de la Grande mosquée de Paris a en effet élaboré en 25 points une «proclamation de l’islam en France» - «Et non pas de France, la nuance est de taille», fait d’ailleurs remarquer le magazine.
L’objectif est d’«accompagner les Français de confession musulmane sur leur chemin spirituel». Ce document fondateur définit et décrit l'islam tel qu'il est pratiqué par la «majorité des musulmans» dans l'Hexagone et doit être pratiqué par tous «au regard des réalités d'aujourd'hui».
Ce texte a été adopté mardi 28 mars, en présence notamment de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, Amar Dib, conseiller spécial du recteur, Chems-Eddine Hafiz, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Djelloul Seddiki, directeur de l’Institut de théologie al-Ghazali de la Grande mosquée de Paris et Slimane Nadour, responsable communication de la Grande mosquée. Le politologue Thomas Guénolé, auteur du livre «Islamopsychose» (Fayard, 2017) a également pris part à la réunion en tant que conseiller extérieur.
Pour un islam qui épouse les valeurs républicaines
«Dans les circonstances de l'élection présidentielle, la crise économique a exacerbé le rejet d'un certain nombre de Français qui voient la religion musulmane d'un œil négatif, inquiet, après la vague de violence qui s'est abattue sur le pays. Daech, que nous sommes les premiers à combattre, a propagé une vision cataclysmique de l'islam dans le monde», explique Dalil Boubakeur. Thomas Guénolé de préciser : «La Grande Mosquée a souhaité avoir une position centrale en adoptant un texte de définition de l'islam en France, moderne, tolérant, bienveillant, laïque, qui est déjà pratiqué dans leur vie quotidienne par l'écrasante majorité des Français de confession musulmane.»
Parmi les points évoqués, les caricatures du Prophète. Si la Grande mosquée reconnaît la légitimité, pour un musulman, de se dire «blessé ou offensé», elle condamne toute justification de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo. «Puisque le blasphème et la caricature religieuse sont autorisés par la loi française, l'on peut s'en déclarer blessé ou offensé, mais il ne faut ni exiger leur interdiction ni réagir par la violence. Plus largement, bien évidemment, nul musulman n'a le droit d'exiger que la France modifie ses valeurs et ses lois pour convenir à sa propre foi, tout comme nul chrétien, nul juif, nul athée, nul agnostique n'en ont le droit», édicte ainsi le texte.
En outre, la proclamation de l’islam de France n'impose pas le port du voile aux femmes musulmanes. Il est écrit qu’«hommes et femmes de confession musulmane ont simplement le devoir de s'habiller d'une façon décente» et que l’«égalité entre hommes et femmes s'impose». Elle proscrit également «les châtiments corporels», «la polygamie».