L’heure est au bilan, pour la journée Mondiale de lutte contre la tuberculose, célébrée le 24 mars de chaque année. Au Maroc, la tuberculose est plus fréquente chez l’homme que chez la femme, nous apprend le ministère de la santé. Les personnes âgées entre 15 et 45 sont les plus touchées et représentent 63 % des cas, avec prédominance masculine.
Le poumon est le lieu privilégié de la tuberculose, représentant ainsi près de la moitié des cas enregistrés. 47 % des tuberculoses sont pulmonaires contre 53 % des localisations extra-pulmonaires, a précisé le ministère de tutelle dans un communiqué publié hier jeudi. La maladie s'attaque aussi à d’autres parties du corps, comme les reins, les ganglions et les os.
87 % des cas ont été rapportés dans six régions, correspondant à 78% de la population nationale. Il s’agit des régions de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kenitra, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès, Marrakech-Safi, Souss-Massa.
La tuberculose, cette «maladie de la précarité»
L’analyse de la situation épidémiologique de la tuberculose et de sa dynamique au Maroc confirme l’influence importante des déterminants socio-économiques sur l’incidence de cette maladie. Intimement liée à la pauvreté, à la précarité, à la malnutrition, à l’habitat insalubre et à la promiscuité, la tuberculose est fortement concentrée au niveau des zones périurbaines des grandes agglomérations.
#NEWSGRAPHIC Today is the @WHO world tuberculosis day. A disease that killed 1.5 million people in 2014. @AFP pic.twitter.com/9ApP4o7TzG
— AFPgraphics (@AFPgraphics) 24 mars 2016
«La tuberculose est multifactorielle et il faut donc prendre en compte plusieurs facteurs afin de la combattre», explique le Professeur Zoubida Bouayad, présidente de l’association SOS tuberculose et maladies respiratoires, contactée par Yabiladi. Selon elle, «la pauvreté, la densité de la population, le manque d’hygiène et d’ensoleillement et la malnutrition contribuent directement à l’infection des personnes dotées d’une faible immunité».
«Rien que cette semaine, notre association s’est déplacée dans le camion de radiologie pour se rendre dans une zone de population vulnérable, à Hay Hassani où nous avons trouvé des cas. Avant, on attendait que les malades viennent aux centres de santé pour pouvoir dépister la tuberculose. Maintenant, il faut de plus en plus aller les chercher…»
Bien que le programme national existe, la responsabilité est également celle des collectivités locales, rappelle Zoubida Bouayad. Sont concernés «les ministères de tutelle qui donnent les autorisations de construction et les architectes qui font des immeubles où il y a de petites fenêtres, pas assez d’ensoleillement ou le manque d’hygiène dans les rues, dans la nourriture», détaille la présidente de l'association.
#tuberculosis 1/5 de cas résistants @CoalitionPLUS demande 1 taxe sur transactions financières pr organiser la lutte https://t.co/J7e8BV2eNI
— Audrey Vaugrente (@audreyvaugrente) 24 mars 2017
La prévention face aux 25 000 nouveaux cas dépistés annuellement
Tous les marocains ont bénéficié d’un vaccin BCG (Vaccin bilié de Calmette et Guérin). Pourtant, «beaucoup de tuberculeux circulent», nous apprend le Professeur Abdelaziz Aichane, pneumologue et allergologue au CHU Ibn Rochd à Casablanca. Si les premiers signes (fièvre, perte de poids, manque d’appétit, toux) restent après une semaine, il faut impérativement consulter pour un dépistage. «Le BK (bacille de Koch), qui est la bactérie responsable de la tuberculose, est transmissible dans les particules de l’air», nous rappelle le médecin. Lorsqu’une personne est diagnostiquée tuberculeuse, toute sa famille doit passer au dépistage, ensuite le patient doit être isolé «surtout pendant le premier mois», explique-t-il.
Le phénomène de la toux est valable au Maroc. Il n’est donc pas pris au sérieux au sein de la société. Preuve en est le fait que 25 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. Le spécialiste souligne que pour combattre la maladie, «il faut aussi combattre l’habitat insalubre».
Bilan d’une faible baisse de l’incidence
Au Maroc toujours, les réalisations du Programme national de lutte antituberculeuse (PNLAT) ont été enregistrées principalement dans la détection. Depuis 1995, le taux de succès thérapeutique est estimé à plus de 86%. Cependant, l’incidence estimée par l’OMS a baissé d’une moyenne annuelle de 1,1% entre 1990 et 2015. Cette baisse reste lente et en deçà des aspirations, tant les déterminants de la maladie sont multiples et se rapportent essentiellement aux conditions socio-économiques.
Le budget alloué au PNLAT a été doublé entre 2012 et 2016, pour atteindre 60 millions de DH. L’appui financier du fonds mondial de lutte contre le sida la tuberculose et le paludisme est, lui, chiffré à près de 85 millions de dirhams sur la période 2012-2017.
Cela a permis de réaménager les Centres de diagnostic de la tuberculose et des maladies respiratoires, de les équiper en appareils numériques de radiologie et en technologie de pointe basée sur la biologie moléculaire, indique le ministère de la Santé. La gratuité de toutes les prestations sanitaires sont assurées à tous les patients tuberculeux.
Objectif 2021 : Réduire de 40 % les décès liés à la tuberculose
Le PNLT 2017-2021 est en cours de finalisation par le département dirigé actuellement par Houcine El Ouardi et ses partenaires institutionnels et de la société civile. Ce plan s’articule parfaitement avec l’initiative mondiale de l’OMS dite «Stratégie pour mettre fin à la tuberculose 2016-2035», ainsi que son plan mondial 2016-2020.
Parmi les objectifs stratégiques du Programme figurent la réduction du nombre de décès liés à la tuberculose de 40% en 2021 par rapport à l’année 2015, l’augmentation du nombre annuel de cas détectés à 36.300 à l’horizon de 2021, la réalisation d’un taux de succès thérapeutique d’au moins 90% à partir de 2018.
La #tuberculose est l’une des 10 premières causes de mortalité dans le monde. Voici les faits @WHO https://t.co/q6ntTR3cBZ pic.twitter.com/XPNyuMHdsp
— Nations Unies (ONU) (@ONU_fr) 24 mars 2017
Pour le ministère, les actions à entreprendre, en vue de réduire significativement l’incidence de la maladie, doivent dépasser le domaine médical pour cibler ces déterminants, dans le cadre d’efforts conjugués des départements ministériels concernés, des collectivités territoriales et de la société civile.
Aujourd’hui, le département de la Santé profite de cette journée pour lancer une compagne nationale de dépistage de la tuberculose, en partenariat avec la LMLCT, SOS Tuberculose et maladies respiratoires. Cette compagne qui se déroulera du 27 mars au 28 avril 2017 et qui vise à renforcer le diagnostic précoce de la tuberculose et assurer l’accès au traitement aux groupes de populations à haut risque. Une occasion pour faire face à l’une des 10 premières causes de mortalité dans le monde.