Mardi 8 mars, alors que la disposition sur l’extension de la déchéance de la nationalité française devait être votée en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale, le gouvernement et les députés UMP l'ont soustraite au projet de loi sur l’immigration, rapporte AFP. Cette disposition polémique avait été rejetée par le Sénat en février dernier. L'abandon de la mesure a été pris en accord avec le président de la République a précisé le Premier ministre, François Fillion. La décision survient alors que M. Estrosi avait prévu de proposer une extension plus large de la déchéance de la nationalité.
La disposition visait à déchoir de leur nationalité les meurtriers de représentants de l’autorité de l’Etat, naturalisés français depuis moins de 10 ans. Une disposition dont la «constitutionalité n’était absolument pas certaine», rapporte Rue89.
Le Président ne tient pas sa parole ?
Cette mesure avait pourtant été rendue publique, en juillet 2010, par le président de la République en personne. Lors de son discours à Grenoble, il considérait que «la nationalité française se mérite. Il faut pouvoir s'en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l'ordre, on n'est plus digne d'être français.» Après avoir insisté sur le bien-fondé de cette disposition, il revient sur sa décision.
L'extension de la déchéance de la nationalité ne faisait pas l’unanimité, tant à droite, que chez les centristes. Ce que Brice Hortefeux considérait comme logique en février dernier, suscitait le mécontentement des certains dépûtés UMP et était qualifié d’atteinte à l’égalité des Français par les centristes.
Colère de plusieurs députés UMP et satisfaction au centre
La décision finale du gouvernement a suscité la colère au sein de la majorité, rapporte AFP. Jacques Myard, député UMP, qualifie ses collègues opposés à la mesure de «bobos salonnards». «C'est une connerie de reculer là-dessus. Il y a un ras-le-bol dans ce pays dont nous ferons les frais», a-t-il lancé. Le député UMP, Philippe Meunier a souligné, à son tour, l'importance de ne pas renoncer. «Il y a une attente du peuple sur cette question. Il ne faut pas reculer», a prévenu le député du Rhône.
Afin d’apaiser les tensions, François Fillion appelle la majorité «à rester soudée». «Si on se divise, le texte ne sera pas voté et Claude Guéant n'aura pas les moyens de lutter contre l'immigration clandestine», a-t-il déclaré lors d’une réunion de l’UMP. Il demande à tous les députés de se «rallier» à la décision du gouvernement qu’il qualifie de «compromis».
Certains centristes comme Jean-Louis Borloo, Jean Leonetti ou Hervé Morin, président du Nouveau Centre, avaient prévu de présenter un amendement visant à supprimer la mesure au nom du principe d'égalité. Laurent Hénart l'avait d'ailleurs détaillée dans une interview accordée au quotidien français Libération. Inutile désormais, le coup de main leur est venu directement d’en haut.
Reculer pour mieux sauter?
Si les centristes ont gagné la bataille et que tous les députés UMP sont contraints de se plier à la décision présidentielle afin de sauvegarder l’unité du bloc, le Front National profite de l'occasion pour accabler l'UMP. «Des discours aux actes, il y a un pas que le gouvernement et l’UMP ne franchissent jamais», a déclaré Marine Le Pen dans un communiqué de presse. «Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’UMP recule et rentre dans le rang, renonçant une fois encore à prendre les mesures qui s’imposent pour lutter efficacement contre l’explosion de l’insécurité», a-t-elle ajouté. La présidente du Front National «enjoint les Français écœurés par l’impuissance de l’UMP à résoudre leurs problèmes, à secouer le système aux élections cantonales avant de le remplacer à la présidentielle».
L’extension de la déchéance de la nationalité dans le projet de loi sur l’immigration était «uniquement symbolique», estime Claude Guéant, troisième ministre à défendre le projet de loi sur l’immigration devant le Parlement. Toutefois, «la mesure qui trouve un large écho dans la population» ne sera pas abandonnée, déclare-t-il. En effet, un sondage IFOP, réalisé en Août 2010, révélait que 80% des Français étaient favorables à cette disposition. Elle devrait apparaitre dans «un texte plus général sur la question de la nationalité française». Manuel Valls (PS) et Claude Goasguen (UMP) sont chargés de réflexion sur le sujet. Une chose est sûre, rien n’est encore joué.
Le recul du Président que certains considérent comme une geste d’humilité, révèle, pour d’autres, une faiblesse de la politique du gouvernement actuel. Verdict aux cantonnales?