- Yabiladi : Vos deux journalistes ont été séquestrés en Algérie et sont revenus sans avoir pu faire leur travail de couvrir le déplacement de Mustapha Salma. Quelles conséquences envisagez-vous aujourd'hui? Il aurait été question d'une plainte notamment, qu'en est-il?
- Reda Taoujni : Concernant la plainte, non, ce n'était pas prévu, cependant les autorités algériennes ont avancé qu'ils n'étaient pas au courant de la mission journalistique de nos reporters. Malgré ce grand mensonge, nous avons pris acte et reformulé une autre demande. Nous avons été reçus le 23 septembre au siège de l'ambassade algérienne à Rabat durant plus de 30 minutes et nous leur avons expliqué que nous souhaitions retourner dans les camps. Ils n'ont formulé aucune objection, donc nous allons voir quel accueil ils vont nous réserver une fois en Algérie.
- Les politiques et les médias marocains se sont très vite mobilisés en soutien aux journalistes et à Mustapha Salma. Comment appréciez-vous cette mobilisation?
- Pour Mustapha Salma oui, ils font ce qu'il y'a à faire et je crois qu'il y'a même un peu de zèle mais pour les journalistes rappelons que ni le ministère des Affaires étrangères ni celui de la Communication, n'ont jugé utile de publier de communiqué, ils ont juste gardé le silence.
- Les médias internationaux, en revanche, ont très peu couvert l'affaire, alors que Mustapha Salma avait annoncé qu'il craignait pour sa vie. Que pensez-vous de cette timide couverture, comparée à l'affaire Aminatou Haidar, par exemple? Qu'aurait pu changer une plus grande couverture internationale?
- Entre l'affaire Aminatou et celle de Mustapha Salma il y a une grande différence. Le Maroc officiel a mal suivi cette affaire. D'abord sur le plan médiatique c'est le cafouillage total, trop de brouhaha. Le plan média rappelle l'ex-Urss ou la Chine communiste d'il y'a 20 ans : des officiels qui font des déclarations et communiqués dont ils ne mesurent pas la portée…
Et c’est tout à fait normal que ça n'a pas été suivi par la presse internationale, car nous n'avons pas su rendre le sujet attrayant aux yeux de la communauté internationale. Autre fait, Aminatou, grâce aux Algériens, a réussi à nous plomber malgré qu'elle n'est ni militante des droits de l'homme ni autre. Quant à Mustapha Salma, c’est un séparatiste sécuritaire inconnu, et du jour au lendemain il nous parle de projet d'autonomie... Ils ont mis des mois à préparer Aminatou, et il n'y avait que quelques jours pour mettre en avant un inconnu.
Je ne sais pas qui était derrière cette affaire Mustapha Salma, mais ce que je peux dire c'est que se sont de vrais amateurs.
- Pensez-vous qu'il y a un problème de cohérence dans la position du Maroc sur l'affaire Mustapha Salma, alors que 3 Marocains sahraouis sont en prison, en attendant un jugement pour espionnage?
- Avec l’affaire Mustapha Salma on aura l'effet boomerang, car le Maroc s'est mobilisé à clamer haut et fort que Salma devait être relâché par les séparatistes et le laisser défendre le projet d'autonomie dans les camps en toute liberté. Mais sans attendre, les Algériens ont invité 77 séparatistes d'intérieurs à Alger pour soi-disant participer à une conférence sur la résistance pacifique et maintenant ils sont de retour au pays. Nous sommes obligés de donner l'exemple et les laisser parler ainsi que manifester pacifiquement pour exprimer librement leurs opinions séparatistes dans les rues de nos provinces du sud. Et c'est là le piège.