L'agence de presse Associated Press (AP) révélait ce mardi que les enregistrements découverts consisteraient en deux cassettes vidéo, et une cassette audio, mettant en scène l'interrogatoire de Ramzi Bin Al-Shibh, dans une prison marocaine. Ce citoyen Yéménite de 38 ans, suspecté d'être l'un des complice des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avait été arrêté en 2002 au Pakistan, et conduit peu de temps après au Maroc, où il aurait régulièrement «séjourné» avant d'être conduit à Guantanamo, où il se trouve actuellement.
Selon le site d'information AgoraVox, l'interrogatoire se serait déroulé dans les environs de Rabat. Cette preuve visuelle ferait donc du Maroc l'un des participants au programme des services secrets américains «Greystone». Ce programme aurait consisté à détenir et d'interroger des terroristes présumés dans des centres de détentions situés à l'extérieur du territoire américain, et où la torture était régulièrement pratiquée, alors qu'elle est interdite aux Etats-Unis. Le terme américain pour désigner ces endroits était «Black sites».
Peut-on imaginer au Maroc des sévices semblables à ceux infligés aux détenus de Guantanamo? Mieux, Ramzi Bin Al-Shibh aurait-il été torturé au Maroc? Rien ne permet de l'affirmer avec certitude, car selon des officiers américains interrogés par AP, les enregistrements montrent «un homme assis à un bureau et répondant à des questions». Toujours est-il que les enregistrements retrouvés seraient les seuls rescapés d'une série de documents similaires, dont la destruction avait été ordonnée en 2003 par l'administration de Georges W. Bush. Sur ces vidéos, qui n'avaient pas forcément un rapport avec le Maroc, les scènes de tortures étaient plus explicites.
Si les officiers américains précisent donc que sur les vidéos impliquant le Maroc aucune violence n'était commise sur Bin Al-Shibh, il reste cependant que les prisons marocaines auraient servi à interroger des prisonniers pour le compte des services secrets américains.
AP et le New York Times vont plus loin, parlant de prisons financées par les Américains, et gérées par des Marocains. La CIA y aurait ainsi régulièrement déplacé des prisonniers. Ces derniers arrivaient ou quittaient le Maroc à bord d'avions spécialement affrétés. AgoraVox révèle même que 40 escales auraient été faites dans ce but par des avions américains entre 2001 et 2005.
Cette théorie, ajoutée aux enregistrements, viendrait corroborer les soupçons qui pesaient sur le Maroc, avec les affaires Abou El Kassim Britel, et Mohamed Binyam, tous présumés terroristes, et qui auraient été détenus puis torturés au Maroc. Binyam avait déclaré avoir été victime de tortures au Maroc avec la participation des services secrets britanniques du MI5.
Selon AP, les officiels marocains n'auraient jamais reconnu l'existence de centres de détentions secrets sur le territoire. Dans ce contexte, la révélation des récents enregistrements devient très compromettante.