La municipalité d’Utrecht a commandé, l’année dernière, une recherche approfondie sur le racisme institutionnel, devenant la première à le faire aux Pays-Bas. Cette semaine, les experts de l'agence de recherche Omlo, ont dévoilé les résultats de cette étude, après avoir enquêté sur quatre unités organisationnelles de la municipalité.
Il en ressort qu'entre 2016 et 2019, les jeunes issus de l'immigration - en particulier ceux d'origine marocaine et turque - sont beaucoup plus souvent verbalisés pour mauvais stationnement que ceux non issus de l'immigration. Ce dernier groupe est par contre «relativement plus susceptible de recevoir une contravention pour certains troubles à l’ordre public», explique le rapport.
Les chiffres indiquent que le nombre de contraventions pour mauvais stationnement visant des jeunes issus de l’immigration est relativement élevé, atteignant 22,7%, alors que 7,5% seulement des habitants d'Utrecht âgés de 18 ans et plus sont d'origine marocaine par exemple. «Selon des chiffres, certains groupes ethniques ont le sentiment que le mauvais stationnement est beaucoup plus souvent contrôlé dans les quartiers et des rues commerçantes multiethniques. Cela est vécu comme injuste et discriminatoire», poursuivent les chercheurs, qui donne aussi la version de la municipalité.
Celle-ci explique que «les rapports» et les «signalements» peuvent provenir de citoyens ayant des «préjugés sur certains groupes ethniques». «Par exemple, un membre du personnel a indiqué que si un certain nombre de garçons d’origine marocaine sont assis dans une voiture stationnaire pendant une longue période, cela est considéré comme suspect par certains citoyens», explique-t-on. Toutefois, pour les chercheurs, «l’analyse n’exclut pas la possibilité que la détermination des emplacements pour sanctionner le mauvais stationnement peut avoir joué un rôle».
«Première indication» de racisme institutionnel
Le rapport évoque aussi les chiffres du nombre de ménages bénéficiant de prestations d'aide sociale et le nombre de ménages ayant été soumis à des enquêtes pour fraude à l'aide sociale au cours de la même période. Il en ressort que sur 4 616 Marocains qui ont reçu l’aide, 29,8% ont été soumis à ce genre d’enquêtes. Les chiffres montrent que les résidents bénéficiant de prestations d'aide sociale d'origine marocaine, turque ou surinamaise/antillaise «sont légèrement plus susceptibles de faire l'objet d'une enquête pour fraude». «La municipalité souligne qu'il s'agit de chiffres concernant des enquêtes lancées sur la base de signalements», ajoute-t-on.
Dans les conversations que les chercheurs ont eues avec les employés, environ un quart des 14 BOAs (officiers enquêteurs extraordinaires) interrogés ont indiqué qu'il existe un groupe de collègues qui visent davantage les citoyens en raison de leurs antécédents. Ce groupe serait également «moins susceptible d'accepter des excuses, ou moins susceptible d'accorder le bénéfice du doute».
Le rapport indique également que ces fonctionnaires font «des commentaires désobligeants à l'égard des groupes concernés» ainsi que des «blagues grossières régulièrement faites» sur des groupes ethniques au sein même du bureau municipal, ce qui est considéré par les chercheurs comme «première indication» de racisme institutionnel.
Si les résultats inégaux des processus d’application de la loi pour différents groupes d’origine peuvent être une indication du racisme institutionnel, le rapport insiste sur le fait que «l’interprétation des chiffres est difficile». «De nombreux facteurs non discriminatoires peuvent expliquer» les remarques des chercheurs, qui recommandent ainsi «une enquête distincte» sur le sujet.