La loi Amato-Ferrero viendrait modifier la loi «Bossi-Fini», entrée en vigueur en 2002. Celle-ci avait été présentée par Gianfranco Fini et Umberto Bossi, respectivement Vice-Président du Conseil des Ministres et Ministre de la Réforme Institutionnelle dans le gouvernement Berlusconi. La loi Bossi-Fini prévoit que l’expulsion des étrangers clandestins soit immédiatement exécutée avec l’accompagnement des Forces Publiques. Les immigrés clandestins, privés de leurs pièces d’identité, sont placés dans des Centres d’accueil provisoire, les CPT, afin d’être identifiés.
Ces centres ont été dénoncés à de multiples reprises par des organisations internationales telles que Médecins Sans Frontières et Amnesty International. Les conditions de séjour y sont très mauvaises : surpopulation, absence de climatisation, mauvaises conditions hygiéniques, nourriture insuffisante… Les CPT s’apparentent donc plus à un prolongement du système carcéral qu’à un centre d’accueil d’immigrés en situation irrégulière.
La loi Bossi-Fini visait à restreindre l’immigration en Italie, mais elle n’a réussi qu’à augmenter considérablement le nombre d’immigrés clandestins.
Le projet de loi en détail
Le projet de loi Amato-Ferrero quant à lui propose un ensemble de mesures visant à faciliter l’entrée des travailleurs en Italie, de manière légale bien entendu. Les réformes quant à l’approche de la question de l’immigration devraient toucher plusieurs points, notamment :
La gestion du flux d’immigrés tous les trois ans : Le flux de l’immigration sera géré à travers un programme triennal et non annuel, pour avoir une vision plus réaliste à moyen et long terme.
Des permis de séjour plus longs : Les permis de séjour seront valides pour une période de un à deux ans si la durée du contrat est inférieure ou supérieure à six mois, et pour une période de trois ans concernant les contrats de travail pour une durée indéterminée.
Les travailleurs qualifiés : Les procédures d’entrée seront particulièrement simplifiées pour les entrées de travailleurs qualifiés et de «talents». Dans les domaines de la recherche et de la science, de la culture, de l’art, de l’entreprenariat, du spectacle et du sport, une concession rapide du permis de séjour est prévue, pouvant aller jusqu’à cinq ans.
L’embauche des employés de maison, en particulier pour les personnes âgées, sera aussi rendue plus facile.
Des listes de contrôle et des "sponsors" : Un classement des candidatures à l’immigration en Italie sera mis en place selon l’ancienneté d'inscription, la connaissance de la langue italienne, et la possession de titres professionnels. Les parties se chargeant de leur emploi pourront fournir des garanties sur leur subsistance et leur éventuel rapatriement.
Les futurs employeurs pourront accéder à l’autonomie ou bien les confier aux "sponsors", c'est-à-dire aux organismes institutionnels, comme les Régions et les collectivités locales, les associations professionnelles ou même les syndicats.
La simplification administrative : Les procédures de remise du visa seront simplifiées et l’accès aux formulaires administratifs nécessaires facilité.
Les expulsions et fond de rapatriement : Pour rendre effective les expulsions, la collaboration de l'immigré sera recherchée. Des programmes spécifiques de rapatriement volontaire et assisté seront introduits, auxquels pourront accéder les immigrés qui font preuve de collaboration. Le pivot du nouveau système est le Fonds national de rapatriement, destiné à financer les programmes de rapatriement volontaire. Les immigrés clandestins expulsés qui y adhèreront pourront jouir d'une réduction du temps d’interdiction de rentrée.
Les CPT : Leur abolition n’est pas prévue, le but est d’«alléger la palette de sujets potentiellement destinés à cette structure". Une nouvelle procédure pour l’identification et l’éventuelle expulsion des étrangers sans passer par le CPT est attendue.
Les étrangers ayant des besoins spécifiques seront accueillis dans diverses structures du centre actuel. Le texte de loi souligne qu’il s’agit de «structures d’accueil réelles et propres, non de centres de détention, et le séjour sera limité (pas plus de 20 jours, contre 60 actuellement)». Des centres pour l'exécution de l'expulsion destinés à la réception des étrangers à expulser qui se sont soustraits à l'identification seront également prévus en nombre limité. Le projet de loi assure qu’ils seront tout à fait transparents et que les autorités politiques, les associations et les journalistes pourront y entrer.
Ferme opposition de la droite
Sept italiens sur dix approuvent le projet de loi Amato- Ferrero sur l'immigration, tandis que 32% de la population se déclare hostile aux étrangers. C’est ce qu’a révélé un sondage réalisé pour le compte du journal italien «El Corriere della sera» sur le projet de loi Amato-Ferrero et en général sur l’attitude des italiens vis-à-vis des immigrés.
La droite italienne, elle, s’y oppose fortement. Forza Italia, le parti de centre-droit créé par Berlusconi, a récolté une centaine de signatures contre le nouveau projet de loi sur l’immigration. Le parti le dénonce comme étant «catastrophique, nuisible pour le pays et extrêmement grave pour la cohabitation et la sûreté de la population».
La loi connaîtra des jours incertains. La droite italienne, de plus en plus remontée, aura toujours la possibilité de recourir à un référendum abrogatif, tel que le prévoit l’article 75 de la constitution italienne. Ce type de référendum, organisé pour décider de l’abrogation totale ou partielle d’une loi, peut se tenir suite à la demande de cinq cent mille électeurs ou de cinq conseils régionaux.
La gauche italienne devra tenir bon, d’autant plus qu’elle subit d’autre part une pression de la part des associations, notamment Sos Racisme qui affirmait s’attendre à mieux de la part du gouvernement Prodi en matière d’immigration. Elle demande la fermeture des CPT et surtout la régularisation d’urgence de tous les immigrés clandestins actuellement en Italie, étant donné qu’avec tout le remous actuellement au parlement, la loi risque de ne jamais voir le jour.
L’immigration est un phénomène nouveau pour l’Italie, dans le sens où le pays passe d’un statut d’émetteur d’immigrés à celui de pays d’accueil. On comptait 2.7 millions de résidents étrangers en situation régulière en 2006. Au moins 500.000 autres travaillent clandestinement dans des situations très précaires. Jusqu’à aujourd’hui, cela ne semblait pas trop gêner le gouvernement, étant donné que l’économie du pays repose sur un apport important du secteur informel.