Une semaine après la rupture de ses relations diplomatiques, et déjà les annonces de médiations se multiplient. En plus de l'Union européenne, les pays arabes tels que l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Mauritanie et le Koweït se proposent de jouer les intermédiaires de bonne volonté entre les deux frères ennemis.
Dans leur histoire tumultueuse, seule l’initiative du roi Fahd (1982-2005), menée durant les années 80, avait permis une «réconciliation» passagère entre Rabat et Alger. Le monarque saoudien avait ainsi réussi à réunir à deux reprises le roi Hassan II et le président Chadli Benjedid. La première rencontre s’est produite le 26 février 1983 à la frontière entre les deux pays. Un somment imaginable quelques années auparavant, qui a été précédé par une visite officielle de Fahd à Alger en novembre 1982. Le Saoudien avait ensuite laissé aux deux parties le soin de se charger des détails de la réunion. Le conseiller du roi, Ahmed Bensouda, et le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Taleb Ibrahim, très apprécié alors à Rabat, étaient mandatés pour piloter l’opération.
Après ce premier tête-à tête public entre les deux chefs d’Etats, les relations entre le Maroc et l’Algérie n’ont guère évolué même si les attentes étaient fortes. En effet, deux jours avant le sommet, Benjedid avait émis le souhait dans un discours, à ce que le Maroc et l’Algérie «puissent se consacrer aux questions essentielles et établir une coopération économique fructueuse».
En 1987, Fahd prend personnellement les choses en main
De cet échec, ou de cette première prise de contact pour les optimistes, le roi Fahd en a tiré des leçons. Il a repris son bâton de pèlerin pour convaincre les deux protagonistes à renouer le dialogue. De cet engagement est née la rencontre du 4 mai 1987. Comme lors du sommet de 1983, le second a été précédé par un déplacement du souverain wahhabite à Alger, les 11 et 12 mars 1987. Mais le roi Fahd a cette fois décidé de prendre personnellement part aux négociations. D’ailleurs, les discussions d’environ cinq heures se sont déroulées dans une tente réservée à la délégation saoudienne sur les frontières maroco-algériennes.
Malgré les mises en garde du Polisario, qui à la veille du sommet avait accusé l’Arabie saoudite «d’être le principal bailleur de fonds et pourvoyeur en armement» de Rabat, la rencontre a pu secouer la chape de plomb qui pesait sur les liens entre les deux pays, depuis 1976. Le 16 mai 1988, Rabat et Alger annonçaient la normalisation de leurs relations. Un pas qui avait balisé le terrain à la création, en février 1989 à Marrakech, de l’Union du Maghreb Arabe et la conclusion, le 26 septembre 1991, sous l’égide des Nations unies, du cessez-le-feu entre le royaume et le Polisario.
Malheureusement, cet élan de réconciliation a été stoppé net suite à la destitution -ou la démission pour certains- du président Chadli Benjedid et la désignation à sa place d’un «haut conseil d’Etat». Les militaires avaient alors besoin d’un ennemi à accuser de financer les groupes terroristes.
Force est de constater que la médiation saoudienne menée par le roi Fahd avait bénéficié d’un contexte favorable. A Alger, le nouveau président ayant pris ses fonctions suite au décès de Houari Boumediene en 1978, avait grandement besoin d’asseoir son autorité face aux faucons du régime. Son ouverture sur le Maroc et l’instauration de la démocratie, le pluralisme et les élections libres enregistrés durant la fin des années 80 et jusqu’à décembre 1991, répondaient à cet objectif.
Benjedid a également compris que le Maroc a remporté la guerre au Sahara occidental, notamment après le lancement des travaux de la construction du mur de sécurité. Un ascendant qui était la conséquence des retrouvailles entre le Maroc et les Etats-Unis. Contrairement à son prédécesseur à la maison blanche, Jimmy Carter, le républicain Ronald Reagan avait répondu favorablement aux demandes en armes formulées par le roi Hassan II.
La médiation saoudienne a également tiré profit du facteur temps, donnant aux deux protagonistes quelques années pour cogiter une possible réconciliation. Les monarchies du Golfe parciendront-elles de nouveau à réconcilier les deux frères ennemis du Maghreb ?