L’année 2020 a été marquée par une «répression contre des commentateurs des réseaux sociaux, des artistes et des journalistes exprimant des opinions critiques à l’égard de la monarchie», a indiqué aujourd’hui Human Rights Watch. Dans son rapport annuel sur la situation des droits humains au Maroc, l’ONG a affirmé qu’avant même que les manifestations et les réunions publiques ne soient interdites afin de contenir la propagation du coronavirus, les autorités marocaines «avaient déjà interdit plusieurs rassemblements publiques des groupes d’opposition et continué d’entraver les activités de certaines organisations de défense des droits humains».
Pour HRW, le Maroc a arrêté, poursuivi en justice et emprisonné plusieurs activistes et journalistes indépendants sur la base de «chefs d’accusation douteux, tels que la conduite de relations sexuelles hors mariage», ces dernières années. «Certains de ces procès ont semblé être motivés par des considérations politiques ou se sont déroulés sans que la régularité des procédures soit garantie à toutes les parties», affirme l’association.
Des atteintes à la liberté d’expression et de réunion
Elle cite ainsi le cas du journaliste Omar Radi, arrêté en juillet, en affirmant que deux chefs d’accusation retenus contre lui (espionnage et atteinte à la sûreté extérieure et intérieure de l’État), «découlent de son activité de journaliste et chercheur, semblent reposer sur des indices très ténus».
Le rapport mentionne l’appel des 110 journalistes marocains, qui ont dénoncé une poignée de sites internet d’information qualifiés de «médias de la calomnie», avant d’évoquer l’arrestation, entre septembre 2019 et janvier 2020, d’au moins 10 activistes, artistes, étudiants ou autres citoyens, pour «leurs commentaires critiques mais non violents des autorités», exprimés sur les réseaux sociaux ou via des chansons de rap. L’occasion de citer les arrestations et les condamnations de Mohamed Sekkaki alias «Moul Kaskita», Mohamed Ben Boudouh alias «Moul Hanout» et Saïd Chakour, un travailleur journalier âgé de 23 ans, condamné à 2 ans de prison pour «outrage à fonctionnaires publics».
L’ONG international critique aussi l’absence d’un avocat lors des interrogatoires des détenus par la police ou lorsque celle-ci leur présente leur déposition à signer, ainsi que la garde à vue au secret de 23 heures de certains détenus de renom, comme le Belgo-marocain Abdelqader Belliraj, poursuivi pour une affaire du terrorisme.
Elle n’omet pas de signaler les «atteintes à la liberté d’association et de réunion» qui touche l’Association marocaine des droits humains (AMDH). «A fin septembre 2020, 79 des 99 antennes locales (de l’AMDH) étaient confrontées à une situation où les autorités avaient refusé de s’occuper de leurs formalités administratives», rappelle-elle.
Libertés individuelles et situation au Sahara
HRW s'étale sur les atteintes aux droits de femmes, ainsi que ceux liés au respect de la vie privée et à l’orientation sexuelle. Elle évoque, dans ce sens, la campagne de «outing» et de harcèlement en ligne visant des hommes présumés homosexuels et bisexuels, en avril dernier et l’absence de réaction du gouvernement face au mémorandum du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), recommandant de décriminaliser les relations sexuelles consensuelles entre adultes non mariés.
Le rapport réserve une bonne partie à la situation des droits humains au Sahara. Ses rédacteurs affirment que «les autorités marocaines empêchent systématiquement la tenue au Sahara occidental de réunions de soutien à l’auto-détermination sahraouie, font obstruction au travail de certaines organisations non gouvernementales (…) et, occasionnellement, passent à tabac des activistes et des journalistes en garde à vue ou dans les rues».
Ils soulignent ainsi l’ouverture, par le procureur du roi à Laâyoune, d’une enquête suite à la création de l’«Instance sahraouie contre l’occupation marocaine», sur fonds d’«activités (visant à) porter atteinte à l’intégrité territoriale du royaume». HRW évoque aussi le cas de l’activiste pro-Polisario Walid El Batal, condamné en octobre 2019 à deux ans de prison pour «rébellion» et insultes envers des agents de police.
L’ONG internationale revient également sur le procès de Gdeim Izik, en rappelant que «19 Sahraouis étaient toujours en prison après avoir été condamnés en 2013 et 2017, à l’issue de procès inéquitables, pour les meurtres de 11 membres des forces de sécurité commis en 2010». «Dans leur verdict de culpabilité, les deux tribunaux (première instance et appel) se sont appuyés presque entièrement sur les aveux obtenus par la police, sans enquêter sérieusement sur les affirmations selon lesquelles les deux accusés avaient signé leurs aveux sous la torture», écrit-elle.