Moins de 24 heures après l’annonce, par les ministères de la Santé et de l’Intérieur, de la fermeture des accès et des sorties à huit villes au Maroc, Khalid Aït Taleb avertit que la situation épidémiologique, liée au nouveau coronavirus, «est préoccupante». Lors d’une conférence de presse, tenue ce lundi après-midi, le ministre de la Santé a en effet souligné que le nombre de cas actifs en état critique connaissait une augmentation dans certaines provinces, de même que les morts en raison de complications après une infection à la covid-19. Aussi, les patients symptomatiques sont de plus en plus nombreux.
Ces éléments constituent un ensemble de données «jamais observées lors des quatre premiers mois de la pandémie, où le pays s’est mis en confinement sanitaire», avertit Khalid Aït Taleb, décrivant ainsi une situation pandémique nécessitant une prise de mesures urgentes et immédiates. «A titre d’exemple, en l’espace d’une semaine (dans un contexte d’allègement du confinement), le nombre d’infections identifiées a été supérieur à toute cette durée (période du confinement, ndlr)», ce qui «fait peur», alerte le ministre.
«Comme nous avons entrepris des mesures anticipatrices, au début de la pandémie (…) nous ne pouvons pas laisser tous ces efforts s’avérer vains», a déclaré Khalid Aït Taleb, lors de cette rencontre, où il dit «comprendre le désarroi et la colère de citoyens, face à une prise de décision subite et sans délai», comme la fermeture des accès et des sorties de huit villes, annoncée hier soir. Cette mesure devra rester maintenue pendant 14 jours. «Je dois dire que ce virus et la situation épidémiologique ne donnent pas de délai, donc pour l’affronter et l’endiguer, nous ne pouvons pas nous donner des échéances», indique le ministre, commentant ainsi la situation observée hier soir, en lien avec les déplacements inter-villes.
Des mesures ciblées pour éviter un reconfinement total
Chiffres à l’appui, le ministre a indiqué que dans certaines villes ou provinces, le bilan a rapidement doublé : «A Tanger, le R0 (taux de propagation, ndlr) atteint 1,9. A Fès, il est de 1,7. A Berrechid, il est de 2,35.» Par ailleurs, la région de Casablanca-Settat, qui a enregistré 2 900 cas du nouveau coronavirus, entre le 2 mars et le 14 juin, a identifié 2 162 infections supplémentaires, «en moins de deux semaines». «L’épidémie évolue de manière brusque et rapide, il faut y répondre avec des décisions aussi rapides», insiste le ministre, qui rappelle l’importance de respecter les mesures sanitaires, surtout le port du masque.
Inquiet, Khalid Aït Taleb estime qu’«on ne peut pas prévoir les futures mesures, en fonction de l’évolution épidémiologique», mais qu’il est en tout cas «difficile de revenir au confinement total». «Nous avons d’autres solutions permettant de limiter les autres impacts du confinement sanitaire stricte (économiques, sociaux ou sanitaires, ndlr)», d’où un confinement ciblant les zones les plus touchées, selon le ministre.
«Donner un délai aux citoyens ne peut pas stopper le virus. Il est compréhensible que l’on soit mécontent, vu la rapidité par laquelle les choses se sont décidées. Mais nous pouvons être compréhensifs en voyant les retombées de ces mesures, afin que nous restions parmi les pays qui contrôlent le mieux l’évolution de la pandémie de la covid-19.»
Une situation épidémiologique de moins en moins prévisible
Revenant sur les raisons susceptibles d’expliquer cette évolution, en dehors du relâchement en termes de respect des mesures sanitaires, Khalid Aït Taleb a écarté certaines versions, qui font le rapprochement entre l’arrivée de Marocains du monde depuis l’Europe.
«Parmi les MRE d’Espagne, arrivés dernièrement à Tanger, trois cas positifs ont été détectés : on ne peut pas dire que ces voyageurs sont à l’origine de la situation épidémiologique observée actuellement dans la ville», a insisté le ministre. Selon lui, «l’augmentation de cas est due à une multiplication des mouvements et à une reprise importante des activités, au lendemain de l’allègement du confinement sanitaire».
Par ailleurs, Khalid Aït Taleb a indiqué que de plus en plus de patients hésitent à se rendre rapidement vers les structures hospitalières. «Lors de leur consultation, leur charge virale est déjà descendue, mais par le fait qu’ils arrivent tard à l’hôpital, les médecins se retrouvent plus souvent à guérir des personnes souffrant des effets de la covid-19 et non du virus en lui-même, que nous ne retraçons chez ces cas-là que par le test sérologique et non pas PCR, qui s’avère négatif», explique le ministre.
Lors de cette conférence de presse, les membres du comité scientifique chargé du suivi de la pandémie au sein du ministère de la Santé sont revenus par ailleurs sur des aspects scientifiques de cette évolution. Dans ce sens, Dr. Moulay Hicham Afif a indiqué qu’en fin de compte, «on ne peut pas connaître le pic de la pandémie» actuellement, dans le cas du Maroc. «Ces dernières semaines, la vitesse de contagion a repris à la hausse et on n’observe pas encore ce qu’on peut considérer comme un pic», souligne-t-il.
Egalement membre du comité scientifique, Dr. Abdelfattah Chakib a pour sa part averti que les deux prochains jours pourraient être marqués par une flambée d’infections à la covid-19, sur la base des données à la disposition du ministère. «Le danger est que cette flambée risque de provoquer une déstabilisation des services sanitaires et des structures d’accueil, ce qui est susceptible d’avoir comme conséquence que les personnes souffrant d’autres pathologies subissent les effets de l’absence d’un service de santé, censé les suivre mais concentré désormais sur la gestion de la pandémie», alerte-t-il.