Il y a deux jours, un drame a été évité de peu. Deux enfants ont été bloqués dans l’appartement parental, ne sachant comment se sauver de l’incendie qui s’y est déclenché. En bas, un groupe de jeunes tentent de les sauver, mais la seule solution aura été de les encourager à sauter depuis leur fenêtre. Parmi eux, Mouhsine Sbiti, nouveau résident du quartier prend rapidement les devants, en amortissant la chute des deux petits avec ses bras.
Pourtant, Mouhsine Sbiti s’est trouvé par hasard en bas de l’appartement en feu. «Habitant l’immeuble derrière, je sortais simplement pour faire des courses, lorsqu’une femme m’a averti qu’un incendie s’était déclenché», raconte à Yabiladi le héros du quartier, ce jeudi. «Nous avons été plusieurs à nous précipiter sur les lieux, où il y avait déjà des jeunes qui tentaient de sauver les deux petits. Nous sommes montés jusqu’au quatrième étage, mais la porte de l’appartement était fermée, leur père d'origine algérienne est au travail et leur mère d'origine marocaine sortie faire des courses», se souvient le Marocain.
«J’ai su que le grand frère, de presque 11 ans, s’appelait Soufiane ; nous l’appelions donc par son prénom en l’encourageant à avoir confiance en nous, assez pour nous laisser recueillir son petit frère, qu’il a suspendu de la fenêtre», commente le nouveau résident, en décrivant la scène, documentée sur une vidéo.
Une mise en confiance des enfants
Hésitant au début, l’enfant a pris confiance en voyant son petit frère sain et sauf. «Par la suite, il s’est lancé et je l’ai recueilli lui aussi», se rappelle celui qui a exercé à la Gendarmerie royale marocaine, puis à l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) à Rabat, avant son récent départ en France.
Contrairement à certaines versions relayées sur les réseaux sociaux, l’immeuble de Soufiane est bien doté d’escaliers de secours, décrit Mouhsine. Cependant, leur accès est rendu difficile par le fait qu’«il faut d’abord pouvoir sortir de l’appartement pour les atteindre, ce qui n’a pas été possible puisque la porte était verouillée».
La présence de Mouhsine a permis à Soufiane comme à son petit frère de trois ans de sortir indemnes, mais le jeune homme s’en est sorti avec une double-fracture au poignet droit. «J’ai pu absorber le choc pour le petit facilement, mais lorsque l’enfant de 10-11 ans, qui pesait entre 40 et 50 kilos, a suivi, je suis resté à terre et j’ai vu mon poignet déformé. J’ai tout de suite su que c’était une fracture», se souvient-il.
Malgré cela, le Marocain de 34 ans dit avoir eu beaucoup de chance, étant donné que ce type de fractures peut conduire à une paralysie définitive. Pour cause, le choc atteignant les os touche fréquemment les tendons. «Les radios et les examens médicaux ont heureusement montré que ce n’était pas le cas, mais la guérison prendra cinq mois», nous décrit-il.
Ce jeudi matin, Mouhsine a pu sortir du CHU Grenoble-sud, au lendemain d’une intervention chirurgicale qui a duré trois heures et demi. Cependant, les enfants restent encore hospitalisés. Ils n’ont pas été blessés, mais leur état de santé a nécessité une prise en charge par les équipes médicales, car ils ont respiré trop de fumée noire. A peine sorti de l’hôpital, Mouhsine envisage déjà d’aller visiter la mère de famille et les deux petits frères, dont il salue la lucidité.
«Il nous a fallu encourager Soufiane pour qu’il franchisse le pas. C’est un enfant très courageux, c’est lui le véritable héros. Il a tout de suite su prendre la bonne décision et sauver son petit frère en premier. Des adultes à sa place auraient hésité bien plus longtemps.»
Une mobilisation pour Mouhsine après celle pour les enfants
Salué pour son intervention, il est en revanche confronté à une facture salée après son hospitalisation. Il raconte à Yabiladi s’être vu exiger le paiement de l'opération chirurgicale, la pose des plaques vissées sans parler du suivi pour la longue rééducation. Heureusement, Mouhsine a reçu l'aide d'une association marocaine qui est intervenue pour mettre «la facture en attente ce matin, le temps de gérer le règlement», nous explique-t-il.
Pour cause, les services chargés de recueillir son inscription à l’assurance maladie ont été saturés pendant l’urgence sanitaire, décrit Mouhsine. En séjour régulier, il devait parachever des procédures administratives, dans le cadre de son récent regroupement familial à Grenoble.
«Je suis arrivé en juin dernier via un vol de rapatriement pour rejoindre mon épouse. Mais avec la pandémie du nouveau coronavirus et la réduction des accès aux services administratifs, j’ai attendu qu’il y ait moins d’afflux, jusqu’à ce qui s’est passé avant-hier.»
Pour l’heure, Mouhsine envisage surtout de se reposer, tel que recommandé par ses médecins. «Je tenterai aussi de terminer mes démarches administratives, constituer mon dossier Pôle emploi et voir les possibilités de suivre une formation, pendant ces longs mois de convalescence», confie-t-il.
«Deux jeunes vies ont été sauvées ; c’est largement suffisant pour moi», conclu avec soulagement Mouhsine.