Depuis lundi, le Maroc a entamé une troisième phase du plan d’allègement du confinement, qui concerne les institutions touristiques, les rassemblements ne dépassant pas 20 personnes, les centres culturels, bibliothèques, musées ainsi que les transports urbains.
La mesure exclut toutefois certaines activités, comme les salles de cinémas, les piscines publiques mais aussi les fêtes de mariages et les funérailles. Pour ces deux dernières, le maintien de l’interdiction touche ainsi toute une autre industrie naissante dans le royaume, les Marocains ayant de plus en plus recours à des organisateurs pour organiser leurs mariages et leurs funérailles. Deux cérémonies interdites depuis le communiqué du 14 mars dernier du ministère de l’Intérieur, interdisant jusqu’à nouvel ordre tous les rassemblements publics auxquels prennent part plus de 50 personnes.
«Peu de chance pour survivre»
«Nous étions les premiers à arrêter nos activités et à respecter le confinement mais nous n’avons pas encore entendu parler de notre situation», confie à Yabiladi Hassan Douch, secrétaire général de la fédération marocaine des traiteurs (FMT). «Nous avons essayé d'être efficaces et d'aider notre pays dans ses efforts déployés pour arrêter la propagation du coronavirus mais après tous ces mois, nous nous sentons négligés et oubliés», regrette-t-il en estimant que «rien n’a été fait».
«Des entreprises ont fait faillite et d’autres ont été expulsées de leurs bureaux parce qu’elles ne pouvaient pas payer de loyer. Les gens ne s’en sortent plus avec leurs employés, leurs familles et leurs obligations financières.»
Pour le syndicaliste et traiteur, «les professionnels de l’industrie ne savent pas à quel saint se vouer». «Ils ne savent pas comment résoudre le problème et où aller car ils ne savent pas quel ministère est responsable de leurs activités», regrette-t-il encore.
Rappelant avoir déjà tenté d’évoquer les problèmes de ce secteur lésé par la pandémie, le secrétaire général de la FMT considère qu’il «n’y a pas de solution pour le moment». «Nous voulons juste savoir quand nous pourrons reprendre nos activités. Juste une date pour que nous puissions planifier ce que nous voulons faire la prochaine fois ou changer de travail et essayer d'autres choses», plaide-t-il.
«Un traiteur a derrière lui de nombreuses autres entreprises et personnes, qui ont également perdu leur travail. Nous sommes prêts à changer de cap si cela prend trop de temps pour nous laisser reprendre nos activités», lâche-t-il.
L’exaspération exprimée par Hassan Douch est partagée par Dounia, une Neggafa à Casablanca. «Lorsque le coronavirus est arrivé au début, nous avons pensé que nous puissons le gérer. Avec un peu d'argent de côté, nous avons cru pouvoir survivre car nous ne pensions pas que cela durerait aussi longtemps», explique-t-elle.
Après les deux premiers mois, «tout a commencé à s’effondrer». «Nous avons souffert pendant le Ramadan car l’interdiction a été maintenue. Je me suis assuré de soutenir les filles qui travaillent avec moi, mais à un moment donné, je ne pouvais plus», regrette la Casablancaise.
Photo d'illustration. / DR
Changer de métiers ou compter sur l’aide des autres
Une situation qui s’est imposée avec plusieurs craintes. «En février, j’ai beaucoup investi et dépensé de l’argent pour préparer la haute saison. Dans notre métier, on sait que tout dépend de la mode et des nouvelles tendances», explique-telle. Un «coup dur» pour elle, puisque la pandémie est arrivée au Maroc en mars, mettant fin à ses préparatifs.
«Tant que cela prend trop de temps, nous avons peu de chances de survivre. Nous essayons de trouver d’autres activités, mais c’est tellement difficile, surtout pour quelqu’un qui a investi tout son argent dans cette industrie comme moi. D’autres ont essayé de vendre leur équipement mais en vain parce que personne ne veut acheter des choses pendant la crise.»
Khadija*, une «tabakha» traditionnelle à Marrakech, est également dans la même situation. «Déjà que nous sommes concurrencés par les traiteurs de plus en plus prisés, cette situation n’arrange plus personne, sans fêtes, célébrations ou mêmes funérailles», déclare-t-elle.
Veuve, elle dit avoir compté sur de le peu d'argent qu’elle avait épargné, l’aide de l’Etat et le soutien de sa famille pour surmonter cette crise. «Mais je ne sais pas ce que je dois faire pour les prochains mois. J’ai dépassé 60 ans et je n’ai pas de revenu fixe, donc si je ne travaille pas, je ne peux pas payer le loyer et les charges et subvenir aux besoins de ma famille», déclare-t-elle.
De leur côté, d’autres professionnels du secteur ont déjà changé de métiers, face à l’interdiction des cérémonies. C’est le cas d’un groupe de Dkaykiya basé à Casablanca, contacté par Yabiladi. L’un de ses membres a indiqué que «cette décision est survenue il y a deux mois, en raison de la crise». «Notre groupe a décidé de cesser ses activités», précise-t-il, laissant entendre que chacun des membres s’est orienté vers un métier permettant de lui assurer un revenu pendant cette crise sanitaire.
De plus, la situation épidémiologique du Maroc, sous contrôle mais nécessitant encore de la vigilance, ainsi que la situation mondiale, avec l’absence de vaccin ou de médicament contre le Covid-19 et le spectre d’une nouvelle vague ne présagent rien de bon pour cette industrie, tout comme pour d’autres secteurs.
* Le prénom a été changé