Recep Tayyip Erdogan effectue une mini-tournée africaine, initiée en Algérie, et comprenant la Gambie et le Sénégal. Le Maroc semble être écarté de l’agenda continental du président turc, ce qui vient confirmer la détérioration des relations entre Rabat et Ankara durant l’année 2019.
L’invitation d’une délégation d’Al Adl wal Ihsane au mini-sommet islamique de Kuala Lampur en Malaisie et le temps d’antenne accordé à Aminatou Haidar sur une chaîne publique turque ne sont, d’ailleurs, pas deux événements fortuits. Ils traduisent plutôt des manifestations d’une colère turque latente contre le royaume, avec des messages adressés au Maroc dans une conjoncture politique particulière.
Pourtant, les relations entre Ankara et Rabat étaient au beau fuxe. Les islamistes au pouvoir dans ce pays avaient même exclu le Polisario de la deuxième édition du Forum d’affaires Turquie-Afrique, organisé en octobre 2018 à Istanbul. En janvier 2016, ils avaient également suspendu la tenue d’un congrès en hommage à l’héritage culturel et religieux du fondateur d’Al Adl wal Ihsane, Abdeslam Yassine. L’événement était organisé à l’université Sabaheddine d’Istanbul par la «Fondation Abdeslam Yassine», créée en 2014. Loin de se satisfaire de cette décision, ils avaient même prié la délégation de la Jamaa, conduite par son numéro 2 Fathallah Arsalan, de quitter la Turquie.
Qu’est ce qui a changé ?
Force est de constater que l’année 2019 constitue un tournant dans les relations entre Rabat et Ankara. L’échec du projet de la vente des hélicoptères T-129 Atak semble être à l’origine de ce changement. En effet, il y a deux ans, les Turcs avaient déployé d'intenses efforts en vue de convaincre les Forces armées royales (FAR) d’acquérir ces appareils de combat. Les industriels turcs avaient même présenté des modèles du T-129 Atak à l’édition d’octobre 2018 du Marrakech Air Show. Quatre mois auparavant, une délégation de hauts gradés des FAR s’était rendue au siège de la société publique Turkish Aerospace Industries (TAI) à Ankara qui construit les hélicoptères.
Les négociations avaient atteint un niveau encourageant pour le pays d’Erdogan avant que l’administration Trump ne coupe l’herbe sous les pieds de la Turquie. Finalement, le royaume a décidé de commander 36 hélicoptères Apache des Etats-Unis pour un coût de 4,25 milliards de dollars ; douche froide pour Ankara.
Dans le contexte actuel, un retour à l’embellie parait peu probable. En témoigne le fait qu’Ankara n’a pas défendu la participation du royaume à la conférence de Berlin du 19 janvier sur la situation en Libye. Le président Erdogan a même couvert d’éloges, samedi à Alger, le rôle de l’Algérie dans la crise libyenne et au Sahel.
Le président turc a également révélé que les deux pays négocient la conclusion d’un accord de libre-échange, à un moment où celui avec le Maroc bat de l’aile. Après 13 ans de silence, le royaume a fini par réaliser qu’il perd annuellement 2 milliards de dollars dans cet ALE.