Alors Dounia, la prochaine fois tu viens en burqa», a lancé une professeure de comptabilité, dans un lycée de Toulouse, à l’adresse d’une jeune musulmane. Peu après Noël 2010, Dounia a décidé de porter une robe longue et sombre. Son témoignage, rapporté par le collectif Cheikh Yassine de soutien à la Palestine, fait écho à l’affaire du lycée Blanqui, à Saint Ouen, en région parisienne révélée fin mars.
Plusieurs jeunes filles avaient été successivement convoquées dans le bureau de la provi- seure adjointe. Elle leur a demandé de cesser immédiatement de porter leur robe longue habituelle : elle la percevait comme un signe religieux ostentatoire en contradiction avec le règlement du lycée et la loi. Elles leur auraient même interdit de retourner en classe habillées de la sorte. Le règlement intérieur du lycée stipule que «conformément aux dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction posée à l’alinéa précé- dent, le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève avant l’engagement de toute procédure disciplinaire.»
L’une des jeunes filles a demandé l’aide du collectif Cheikh Yassine. Abdlhakim Sefrioui, parallèlement membre du Conseil national des imams de France, s’est ainsi retrouvé en position de défenseur de ces lycéennes. Depuis, le collectif a recueilli d’autres témoignages qui viennent attester que la convocation de la pro- viseure adjointe du lycée Blanqui n’est pas un cas totalement isolé.
Au nom de la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans les lieux publics et donc particulièrement dans les écoles, certains proviseurs s’autoriseraient des remarques très appuyées voire discriminatoires sur les tenues vestimentaires de leurs élèves musulmans. Dounia porte le voile depuis moins d’un an à l’extérieur de l’établissement. Après les remarques désobligeantes de l’une des ses professeures, elle est convoquée, début 2011, par la CPE et la proviseure adjointe. Même discours : la robe longue et noire est un signe religieux ostentatoire.
Les jours suivants, Dounia porte une jupe longue qu’elle remonte un peu. Après le conseil de classe, une déléguée la prévient qu’elle va être convoquée chez la proviseure. «Je suis immédiatement allée voir la proviseure adjointe. Elle m’a dit qu’elle savait que je portais une jupe pour cacher ma tenue. Elle m’a demandé de remonter ma jupe. Je l’ai faite monter jusqu’aux genoux. Elle m’a dit que ce n’était pas suffisant, continue Dounia, que je devais la faire remonter un peu plus par derrière». La lycéenne obtempère dans l’espoir qu’elle n’aura plus de problèmes à l’avenir.
Le rectorat de Toulouse assure n’avoir reçu au- cun signalement de ce type. Michel-Paul Monredon, directeur de la communication, tempère «la loi, rien que la loi, pas de zèle. Il ne sert à rien de stigmatiser un population plus qu’une autre». A l’écoute des faits, il affirme, dans l’hypothèse où ils s’avèreraient : «si l’on en arrive à mesurer la longueur des robes, je le regretterais. Je pense que notre système éducatif est plus souple et plus généreux. De telles situations seraient révélatrices d’une ambiance difficile dans l’établissement.»
Abdelhakim Sefrioui a aussi recueilli le témoignage de Rahma, lycéenne dans le Val d’Oise. «En cours d’anglais ma professeure m’a demandé de me lever afin de pouvoir observer ma tenue, commence-t-elle. J’ai refusé. Elle a ajouté que c’était une tenue de soumission.» L’adolescente raconte que son père lui a proposé d’aller dans une école musulmane. Elle a refusé, «j’y serai allé si cela avait été mon choix, mais je ne vais pas m’enfermer avec ma communauté et leur dire oui, on va partir parce que l’on n’est pas comme vous. Alors que, non, je suis comme eux, je suis Française.» Très émue, elle continue, «ce n’est pas normal que la société nous rejette pour un vêtement un peu plus ample que la normale.»
Abdelhakim Sefrioui est décidé à poursuivre une action en justice dans le courant du mois d’avril. Antoine Alexiev, avocat au barreau de Paris, explique : «une jeune fille accepte de porter plainte et de servir de porte étendard. Nous allons tout faire pour avoir gain de cause sur ce premier cas. Il formera une solution de principe que les juges retiendront comme jurisprudence.»