Il est aussi l’un des saints juifs mystère au Maroc. En effet, personne ne dispose d’information sur sa naissance ou même ses origines. On sait néanmoins que Rabbi Nissim Ben Nissim est arrivé au Maroc au XIXe siècle, en qualité de rabbin émissaire pour récolter de l’argent pour sa Yéchiva.
«Nul ne sait si Rabbi Nissim est né au Maroc ou en Israël. Son nom très particulier, Nissim fils de Nissim, pourrait être lié avec une tradition des Juifs du Yémen chez lesquels le fils porte le même prénom que le père», indique-t-on dans une présentation de l’association Tanou Rabbanan, dédiée à ce tasdik. Une tradition encore étrangère des communautés ashkénazes.
Rabbi Nissim Ben Nissim serait arrivé à Essaouira en 1844, quelque temps avant que n'éclate la guerre entre le Maroc et la France. La ville portuaire qui servait de refuge aux juifs depuis des années sera même bombardée en aout 1844 par des navires français, tout comme Tanger. Plusieurs maisons du Mellah sont alors détruites alors que le chaos et la dissidence régnaient dans la ville.
Et suite aux bombardements, le Hadj Abdallah Ould Bihi, caïd de la région du Haha, lance alors des opérations de rapatriement de juifs. Ces derniers sont alors déplacés d’Essaouira vers des villages proches.
Un saint ayant choisi Ait Bayoud au lieu d’Essaouira
«Lieu très apprécié de Rabbi Nissim en raison de son climat, de ses hauteurs et de son cours d'eau», le Rabbin va élire domicile dans le village de Ait Bayoud. Des notables de la ville et même d’autres tasdiks tenteront de le convaincre pour retourner à Essaouira, en vain. Rabbi Nissim Ben Nissim décèdera ainsi à Ait Bayoud et y sera inhumé.
La tombe de Rabbi Nissim Ben Nissim. / Ph. DR
C’est vers les années 1870 que la tombe de Rabbi Nissim Ben Nissim deviendra au cœur d’un pèlerinage annuel des juifs venus de tout le Maroc, selon Edmund Burke, auteur de «Struggle and Survival in the Modern Middle East» (Editions University of California Press, 1993)
Et malgré «les difficultés du transport archaïque de l'époque, le relief et la traversée de l'oued souvent en crue, la population juive d'Essaouira s'est rendue fidèlement à Ait Bayoud pour se recueillir sur le tombeau de Rabbi Nissim, riches et pauvres, handicapés ou pas, malades ou bien portants, personne ne ratait cet évènement pendant plus de 150 ans», écrit l’association Tanou Rabbanan.
Comme tout tasdik, Rabbi Nissim Ben Nissm a fait l’objet de plusieurs histoires liées à sa tombe. L’association Tanou Rabbanan en cite d’ailleurs quelques unes, comme l'histoire d'Aken Corcos, richissime commerçant de Mogador connu pour sa perspicacité et dont la fille Reina tomba gravement malade vers les années 1910. «Elle fut examinée par les plus grands médecins du Maroc mais sans succès. Sur le conseil de Rabbi Yossef Ben Attar, Reina fut transportée à Ait Bayoud pour passer les sept jours traditionnels de pèlerinage et quelques jours après leur retour à Essaouira, elle était complètement guérie», rapporte-t-on. Aken Corcos sera ainsi le bâtisseur du premier mausolée sur la tombe du Rabbi Nissim Ben Nissim.
Plusieurs miracles du saint d’Ait Bayoud
Certains miracles ont même été racontés par des personnalités publiques juives, comme celle de Yossef fils de Rabbi Haim Bensoussan ou encore David fils de Yossek Kakone.
«Lors de la Hilloula organisée en 1942, deux policiers du contrôle civil sont venus leur demander des bougies à allumer à la mémoire du tsadik. Le lendemain matin, ils sont revenus sur le tombeau, et s'en sont approchés avec beaucoup de crainte après avoir retiré leurs chaussures pour allumer leurs bougies», raconte-t-on. Voulant garder les bougies pour les amener chez eux, ils auraient fait un rêve où le Rabbi les a appelés à venir rendre les bougies, poursuit la légende.
Une histoire plus récente en 2015, lorsqu’un juif demande à son ami qui devait effectuer un pèlerinage au Maroc, de prier pour que sa fille se marie. L’ami aurait ainsi demandé à Daniel Afriat, membre du comité qui veille sur la tombe de Rabbi Nissim Ben Nissm d’allumer des bougies et prier au nom de la personne concernée.
Des juifs marocains lors de la Hiloula de Rabbi Nissim Ben Nissim. / Ph. DR
«Quelques jours après les fêtes de Tichri, dès la première semaine du mois de Hechvan, le papa rayonnant informa Moche Cohen que sa fille s'était fiancée, et qui plus est avec un jeune homme originaire de Meknès comme lui», raconte l’histoire relayée par l’association Tanou Rabbanan.
Des histoires qui se partagent de génération à génération notamment lors de la Hiloula de Rabbi Nissim Ben Nissim, célébrée annuellement à Ait Bayoud. Tout comme d’autres tasdik, la hiloula de ce tasdik venu d’ailleurs est fêtée pendant Lag Baomer, la fête juive d’institution rabbinique célébrée généralement en mai.