En Europe, en Amérique du Nord, en Nouvelle-Zélande et désormais aux Etats-Unis, le terrorisme animé d'une doctrine identitaire, suprémaciste blanche et d’extrême-droite frappe dans plusieurs pays. Le week-end dernier, ce terrorisme a fait 20 morts et 26 blessés à El Paso, devant un centre commercial du Texas très fréquenté par les habitants hispaniques qui représentent 85% des locaux dans cette ville proche du Mexique.
Avant lui, un suprémaciste australien s’est attaqué à deux mosquées de Christchurch (Nouvelle Zélande) en faisant une cinquantaine de morts et autant de blessés. Avant son passage à l’acte, il s’est inspiré de la théorie du «grand remplacement» pour publier son manifeste xénophobe sur Internet, appelant notamment à prendre les armes pour contrer une prétendue «invasion» d’immigrés non-blancs et musulmans dans les pays occidentaux.
C’est à travers un modus operandi similaire que le terroriste d’El Paso a commis sa fusillade, publiant au préalable un manifeste faisant écho au langage du président américain Donald Trump, notamment sur la migration. Pour lui, son acte serait «une réponse à l’invasion hispanique du Texas».
Bien avant, en janvier 2017 déjà, un suprémaciste canadien, condamné à la perpétuité depuis, s’est attaqué à La Grande mosquée du Québec en faisant six morts et plusieurs blessés. L’automne dernier, un autre adepte d’extrême-droite a tiré contre une synagogue à Pittsburg en faisant 11 morts.
Des suprémacistes qui sortent de l’anonymat
Autant dire que «ces idées, autrefois marginales sont devenues monnaie courante, pas seulement dans des posts de cinglés anonymes sur les réseaux sociaux, mais également dans les discours de politiques élus, aussi bien en Hongrie que dans l’Etat de l’Iowa», comme le souligne The Economist.
Le média britannique rappelle qu’aux Etats-Unis, le nombre d'adeptes des doctrines néonazies, suprémacistes et d’extrême droite passés à l’acte dépasse celui des terroristes animés par une idéologie islamiste, ce qui laisse des questions autour des mesures préventives visant ces groupes, parallèlement à celles qui concernent les islamistes violents.
En 2018 déjà, le Washington Post a alerté sur une recrudescence des actes terroristes d’extrême-droite aux Etats-Unis. Ainsi, «entre 2010 et 2017, sur 263 actes de terrorisme, 92 ont été le fait d’assaillants d’extrême droite, contre 38 perpétrés par des jihadistes». En Europe, les attentats jihadistes restent majoritaires, même si «le nombre de morts liés au terrorisme d’extrême droite a fortement augmenté depuis 2010», indique encore le média.
Cité par The Economist, Jacob Aasland Ravndal, du Centre de recherche sur l’extrémisme en Norvège explique que le terrorisme nationaliste «blanc» reste «plus fréquent que ne le reconnaissent les autorités». «La définition légale du terrorisme veut qu’une attaque ait été planifiée (…) mais l’incendie d’un centre de réfugiés est considéré comme un acte de haine et non comme du terrorisme», souligne-t-il en relevant la problématique de qualifier juridiquement des actes de «terroristes» mais pas d’autres.
Dans ce sens, la même source souligne qu’Europol «a attribué 3% seulement des attaques terroristes en 2017 à l’extrême droite», bien que les chiffres du Centre de recherche norvégien sur l’extrémisme violent motivé par une idéologie quelconque permettent de déduire qu’«en Europe de l’Ouest, si les djihadistes tuent plus de gens, l’extrême droite est à l’initiative de plus d’attaques».
Pour le cas des Etats-Unis, si des groupes organisés tels que le Ku Klux Klan sont identifiables, nombre des auteurs de dernières fusillades racistes et à caractère terroriste ne sont pas identifiés à première vue comme de membres actifs et ouvertement rattachés à des organisations reconnues.
Une réponse politique peu convainquante
Réagissant aux attaques, le président américain Donald Trump a évoqué un «acte de lâcheté» justifié par un «problème de maladie mentale très grave», sans remettre en question les doctrines xénophobes et suprémacistes affichées de l’auteur. Le New York Times a relayé son appel lancé, lundi matin, aux républicains et aux démocrates pour «travailler ensemble à renforcer la vérification des antécédents des acheteurs d’armes à feu et pour adopter de nouvelles lois en matière d’immigration».
Mais les démocrates pointent du doigt Trump et affirment que c'est lui qui «a encouragé l’extrémisme à travers son discours haineux». «Le président Trump a beaucoup à voir avec ce qui s’est passé à El Paso», a déclaré Beto O’Rourke, candidat aux primaires démocrates et représentant d’El Paso au Congrès.
Quelques heures après la fusillade, l’ancien vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, également candidat démocrate, a accusé Donald Trump d’attiser un discours de haine qui peut donner l’idée aux suprémacistes de passer à l’acte. «Ces actes ne viennent pas de la folie mais d'une haine absolue. Nous devons reconnaître cette haine et la combattre», a-t-il déclaré lors d’un meeting, affirmant que «lorsque la haine trouve un port d’attache au Bureau ovale, cela donne le champ libre à l’extrémisme à travers tout le pays».
Les députés démocrates ne sont pas les seuls à être de cet avis. Nathan P. Kalmoe, professeur assistant à l’Université d’Etat de Louisiana, estime en effet auprès du New York Times que «les hauts responsables politiques et les représentants des médias partisans encouragent l’extrémisme lorsqu’ils soutiennent les idées suprémacistes et jouent avec un vocabulaire violent». «Le fait que la personne la plus puissante de la Terre fasse écho à leurs vues haineuses peut même donner aux extrémistes un sentiment d'impunité», souligne-t-il.