Sans doute, l’adoption hier soir par la plénière de la Chambre des représentants du projet de loi-cadre n°51-17 sur l’enseignement est une victoire personnelle pour l’ancien ministre de l’Education, Rachid Belmokhtar.
C’est en effet lui qui avait décidé, le 10 octobre 2015 dans une circulaire adressée aux directeurs des académies régionales, le rétablissement de l’enseignement des matières scientifiques en langue française. Une mesure qui lui avait valu d’être tancé publiquement par Abdelilah Benkirane, alors chef du gouvernement, lors de son passage le 2 décembre de la même année à la Chambre des conseillers.
Sur un ton très direct voire offensant, l’ex-leader du PJD avait enjoint au technocrate de s’éloigner des «dossiers sensibles qui risquent de mettre le feu dans le pays» et de se consacrer plutôt à «l’organisation et à la gestion quotidienne» de l’enseignement au Maroc.
Au fil des années, l’arabisation est restée tenace
Deux mois après ce grave incident, le premier du genre opposant deux membres du même gouvernement et transmis en direct par une chaîne TV, le conseil des ministres du 6 février 2016, présidé par le roi Mohammed VI à Laâyoune, avait donné raison à Rachid Belmokhtar, en adoptant sa vision 2015-2030. Un plan de sauvetage de l’école marocaine qui ambitionne de tourner la page à trois décennies d’arabisation.
Et bien avant Rachid Belmokhtar, un ancien ministre de l’Education avait été dans le collimateur des défenseurs de la langue arabe. En 1966, Mohamed Benhima avait décidé, au grand dam du parti de l’Istiqlal, le retour de l’enseignement des disciplines scientifiques en langue française. Il avait constaté l’échec de l’arabisation mise en place à l’improviste quelques mois seulement après l’indépendance du royaume.
«La politique du ministre M. Benhima est de nature à saper les fondements de notre personnalité ainsi que l’unité du pays en détruisant la langue maternelle, son unité culturelle, qui est basée sur la langue nationale, la langue du Coran», s’indignait le parti d’Allal El Fassi. Un argument toujours d’actualité que brandissent désormais le PJD et ses partisans alors que son véritable promoteur a opéré un repli tactique sur ce sujet.
Malgré ce revers, l’arabisation est restée tenace. Elle est revenue au début des années 80 dans un contexte marqué par l’apparition des premiers signes d’essoufflement de la gauche, et l’arrivée sur l’échiquier politique d’un nouveau joueur : le Mouvement du renouveau et de réforme, présidé par Abdelilah Benkirane.
Malgré le vote du projet de loi-cadre lundi soir, le retour de l’arabisation est une perspective envisageable.