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Grand Angle  

Misogynie sur Radio Mars : Adil El Omari acceptera-t-il un octogone avec des sportives marocaines ?

Depuis vendredi, les opposants au discours misogyne d’Adil El Omari montent au créneau, lançant même des défis à l’animateur de Radio Mars. 

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Une des émissions de Radio Mars hors-studio / Ph. DR.
Temps de lecture: 4'

La polémique ne faiblit pas. Jeudi dernier, le commentateur de Radio Mars Adil El Omari a été tancé par des auditeurs, stupéfaits de sa réponse misogyne et sexiste à une abonnée à la page Facebook de la chaîne, où elle explique, selon lui, ne pas soutenir la sélection nationale de football dans sa participation à la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2019), au vu des maigres résultats depuis les années 1970.

A cela, Adil El Omari répond en sommant la concernée d’aller «cuisiner» ou «regarder Choumicha» et de rester «en tout cas loin du football». Sous le coup des premières réactions, l’animateur présente, le lendemain, des excuses laconiques à «la femme marocaine». Ceci dit, il charge l’auditrice à plusieurs reprises, tout en mettant en avant son non soutien aux Lions de l’Atlas et en affirmant œuvrer, de son côté, «pour l’intérêt supérieur du pays».

Le communiqué de Radio Mars sur la suspension de l’animateur pour trois jours n’apaisera pas les critiques. Pour cause, le concerné se retrouve au micro l’après-midi même pour commenter le match Maroc – Bénin.

Les sportives attendent Adil El Omari sur le terrain

Les sportives marocaines ont pris le mysogine à son jeu en lui lançant un défi pour une confrontation sur le terrain. Ainsi, l’ancienne internationale marocaine qui a évolué au Standard de Liège, Ibtissam Bouharat, propose à Adil El Omari et les autres journalistes de Radio Mars un match de football face à son équipe féminine. «Le perdant devra cuisiner une recette de Choumicha au gagnant», lance-t-elle dans une vidéo enregistrée au moment de la finale de la Coupe du monde féminine disputée ce dimanche.

La Belgo-marocaine n’est pas la seule à provoquer l’animateur tendancieux. Plus risqué que le foot, il est mis au défi par Rizlen Zouak, première internationale marocaine d’Arts martiaux mixtes (MMA). Contactée par Yabiladi ce lundi, celle qui a été la première judokate nationale qualifiée aux Jeux olympiques considère que l’animateur «n’est ni le premier ni le dernier à tenir de tels propos». «Moi, je l’invite pour un combat dans la cage avec plaisir, s’il se croit supérieur aux femmes lorsqu’il s’agit de sport», nous déclare-t-elle avec détermination.

«Il verra par les actes que les femmes font plusieurs choses à la fois : nous nous occupons de nos enfants, leur faisons à manger, nous ne ratons jamais nos entraînements et participons aux tournois mondiaux avec succès.»

Rizlen Zouak

«Je m’entraine quotidiennement avec des hommes et ce sont des personnes qui me respectent beaucoup, parce qu’ils me considère comme sportive avant de voir en moi une femme ou un homme», assure Rizlen Zouak.

La championne de MMA s’en tiens à une réalité qui contraste avec les valeurs véhiculées par le journaliste : «Mon époux, qui est aussi un professionnel du MMA, ne me dit pas de rester à la maison pour m’occuper de la cuisine et regarder la télévision. Il m’encourage tous les jours à donner le meilleur de moi-même pour atteindre mes objectifs. C’est pathétique donc de voir que certains médias ne suivent pas ces changements de mentalité.»

Les associations féministes s’en saisissent

«Ce n’est pas pour la première fois qu’on assite à un glissement misogyne, même de la part de médias qui peuvent vous faire un débat sur la Constitution, sur son article 19 relatif à l’égalité et l’élimination des discriminations», conteste de son côté Widad Bouab, coordinatrice nationale de l’Association marocaine des droits des femmes (ADFM). Ce lundi, l’ONG a publié un communiqué en appelant la HACA à intervenir par une mesure exemplaire.

«C’est une problématique de mentalités entretenues par des programmes d’enseignement et de médias», déplore la militante. «L’ADFM insiste sur la lutte des discriminations sur le terrain afin d’accompagner les changements de notre arsenal juridique car sans cela, les textes régissant la communication audiovisuelle à ce niveau ne seront pas respectés», alerte Widad Bouab.

«La décision que la radio dit avoir prise à l’encontre de l’animateur n’est pas suffisante pour que cela ne se répète plus, tandis que certaines personnes minimisent la portée des propos en expliquant qu’il a présenté des excuses alors qu’avec la manière dont cela s’est fait, elles ne sont pas valables.»

Widad Bouab, ADFM

La fonction des médias audiovisuels dans la promotion de valeurs égalitaires rejoint en effet un cadre normatif, que rappelle la coordinatrice de l’ADFM : «Dès son premier article, la loi 103.13 prévoir que la violence verbale incite elle-même aux autres formes de violence. Cela rappelle également la loi 77.03 qui interdit l’incitation à toute forme de violences dans les médias. Or, les propos de l’animateur sont humiliants et dénigrants pour la moitié de la société et pas uniquement l’auditrice en question.»

La militante regrette que l’animateur soit «un récidiviste qui n’a jamais été inquiété dans ses précédentes sorties» et craint ainsi que «l’effet d’annonce vise seulement à calmer les esprits et dans ce cas-là, des agissements similaires risquent de se répéter sur les radios».

Un paternalisme à la peau dure

Pour sa part, Bouchra Abdou, directrice de l’Association Tahadi pour légalité et la citoyenneté, dénonce un «traditionalisme pesant selon lequel les femmes ne sont pas habilitées à suivre des compétitions sportives et surtout dans des disciplines comme le football ou encore la boxe et les sports de combat».

La militante déplore que «nombre de commentateurs à Radio Mars - et pas cet animateur uniquement - reproduisent les schémas de l’éducation dont on est le fruit». Bouchra Abdou considère même que «l’ensemble des contenus de l’émission ‘Les savants de mars’ doit être étudié par la HACA pour voir à quel point elle promeut un sexisme décomplexé».

«Au micro, un animateur est dans le devoir de s’en détacher, de s’armer d’une culture de droits humains non-discriminante», affirme la militante, ajoutant que «s’ils croyaient avec conviction en ces valeurs-là, même les responsables de cette radio ne lui auraient pas donné l’occasion de récidiver».

Pour Rizlen Zouak, ce changement d’attitude ne peut s’opérer sans, par ailleurs, donner au sport féminin la visibilité dont il ne bénéficie pas face aux compétitions masculines. «A travers cela, les gens intégrerons l’idée qu’aucune discipline n’est exclusive à un sexe, sans parler du combat qui doit encore être mené contre la discrimination dans le milieu du sport professionnel en matière de salaires, entre autres, sachant que statistiquement, les femmes raflent plus de titres que les hommes ; ce sont des choses totalement tues par les journalistes sportifs», nous précise-t-elle.

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