L’homme fort en Algérie a prononcé ce mercredi 19 juin un nouveau discours, le troisième en moins de 72 heures. Cette fois, le général Gaïd Salah a tiré à boulets rouges sur les nombreux manifestants qui brandissent des drapeaux amazighs lors des marches du Hirak.
«Il m’appartient également en cette occasion d’attirer l’attention sur une question sensible, à savoir la tentative d’infiltrer les marches et de porter d’autres emblèmes que notre emblème national par une infime minorité. L’Algérie ne possède qu’un seul drapeau, pour lequel des millions de Chouhada sont tombés en martyrs», a martelé le vice-ministre de la Défense comme rapporté par APS.
«Il est inacceptable de manipuler les sentiments et émotions du peuple algérien», a menacé le général, ajoutant que «des ordres et des instructions stricts ont été donnés aux forces de l’ordre pour une application rigoureuse des lois en vigueur, et pour faire face à quiconque tente encore une fois d’affecter les sentiments des Algériens à propos de ce sujet sensible et délicat».
Le général cherche-t-il une excuse pour le recours à la force ?
Cette mise en garde du général n’est que le dernier épisode d’une série initiée lundi 17 juin. Depuis Béchar, où il effectue une inspection dans les casernes de la région, il a appelé le peuple algérien à se méfier de «certaines personnes et entités qui continuent à faire montre d’une opposition fondée uniquement sur le dénigrement d’autrui ou la formulation de nouvelles revendications», rapporte le site TSA.
La grande marche du vendredi 21 juin pourrait être l’occasion pour les autorités algériennes d’exécuter les nouveaux ordres du général, au risque bien réel d’entrer dans des affrontements avec les manifestants kabyles. Une escalade qui marquerait l’impatience d’un Gaïd Salah ayant vu la «solution constitutionnelle» qu’il défend depuis des mois massivement rejetée par la rue.
Depuis le 22 février, les drapeaux amazighs et algériens se côtoient pacifiquement à Alger et dans les villes de Kabylie. Une présence qui a permis de rapprocher Arabes et Berbères lors de ces marches. C’est ainsi que les deux drapeaux flottaient côte à côte à l'occasion des mouvements citoyens dénonçant le décès le 28 mai de Kamal Eddine Fekhar, un militant de Ghardaïa.
Des drapeaux alternatifs de plus en plus visibles au Maghreb
Le drapeau amazigh n’est pas uniquement soulevé par les manifestants en Algérie. Il est, d’ailleurs, présent dans toutes les actions de protestations lancées par les associations amazighes au Maroc. Et même en Tunisie et en Libye, où il commence à se frayer son chemin.
Les autorités marocaines tolèrent que ce drapeau soit brandi lors de ces manifestations même si le drapeau officiel du Maroc y est totalement absent.
En revanche, l’emblème de la république d’El Khattabi, souvent associé aux idées séparatistes que partagent des Rifains installés dans la région ou en Europe, ne bénéficie pas de la même compréhension y compris dans les rangs de certains partis de gauche. En témoigne la prise de bec survenue lors de la petite marche de solidarité avec le Rif, le 8 octobre 2017 à Rabat, à l’initiative du PSU et du PADS à cause de certains participants de Nador voulant brandir le drapeau rifain. Un drapeau qui était dans le box des accusés, en février 2018, lors du procès en première instance du groupe de Nasser Zefzafi.