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Grand Angle

Quand des prénoms marocains sont interdits dans les consulats du Maroc

Le choix du prénom d’un nouveau-né pour les Marocains notamment ceux de l’étranger n’est pas aisé. Beaucoup de prénoms sont refusés lors de l'inscription à l'état civil marocain, au motif qu’ils font rupture avec l'identité marocaine. En ce sens, le ministère de l’Intérieur a transmis une « liste de prénoms approuvés » aux différents consulats marocains. L’interdiction qui concernait surtout les prénoms amazighs, est de plus en plus élargie aux appellations d’origine arabe, liés à l'islam ou parfois inspirés des célébrités de cinéma. Décryptage.
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Maroc Hebdo International (MHI) a rapporté dans son N°825 du 6 au 12 février 2009, la déclaration du ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, devant la Chambre des Représentants en mai 2008, faisant état de la non existence d’une « liste limitative pour la liberté des citoyens en la matière ». Or, quelques mois après l’affirmation du ministre, en janvier 2009, le quotidien néerlandais « Trouw », a révélé l’envoi par le Maroc à tous ses consulats et ambassades, une liste de prénoms – berbères – interdits. Motif, « ils ne sont pas en accord avec l’identité marocaine, et parce qu’ils sont une porte ouverte à la prolifération de prénoms dépourvus de sens » s’est justifié le ministère de l’Intérieur. Ce qu’on ne dit pas, d’après une internaute qui a participé à notre appel à témoignage, à qui on a refusé d’inscrire l'enfant, est que les « prénoms berbères rappellent trop le passé berbère du Maroc ».

En début du mois de septembre dernier, l’organisation Human Rights Watch (HRW) a dénoncé le refus du Maroc d’autoriser certains de ses citoyens à choisir des prénoms amazighs pour leurs enfants. En d’autres termes, l’interdiction des prénoms est encore d’actualité. Pourtant, d’après le recteur de l’Institut royal de la culture Amazighe (IRCAM), Ahmed Boukouss, cité par MHI (N°825), « la question a été discutée entre l’IRCAM et le ministère de l’Intérieur. On nous a assuré que les listes ont été retirées des services d’état civil. Je pense donc que dans certaines régions, certains fonctionnaires continuent d’appliquer les anciennes circulaires. Mais même si c’est le cas, tout citoyen a le droit de déposer un recours devant les juridictions compétentes ».

Quelles explications peut-t-on donner à l’utilisation de ces listes, dont le retrait des services est clamé haut et fort ? Les Marocains de l’étranger sont les principales victimes de ces fameuses listes. Selon plusieurs témoignages d’internautes ayant participé à notre enquête interactive, ils ont été et sont toujours confrontés aux agents en charge de l’état civil dans les représentations diplomatiques du Royaume. Il y a bel et bien un répertoire pour les prénoms diffusé auprès des consulats (liste approuvée par le ministère de l’Intérieur) mais les parents n’y ont pas accès, ils ont seulement l’obligation de faire un choix a posteriori. Pire encore, les consulats ne disposeraient pas des mêmes listes.

Les restrictions ne concernent plus seulement les appellations amazighs. D’après le Dahir n° 1.96.97 du 2 août 1996, « le prénom à inscrire sur le registre de l’état civil doit présenter un caractère traditionnel marocain. Ce prénom ne doit pas être d’origine étrangère. Le prénom ne pourra pas faire référence au nom d’une ville, d’un village ou d’une tribu. Il ne doit pas porter atteinte à la morale ou à l’ordre public ».

Ce Dahir a été remplacé en 2002 par la loi 37-99 relative à l’état civil (article 21). Mais il n’y a pas eu de changement majeur. « Le prénom choisi par la personne faisant la déclaration de naissance en vue de l’inscription sur les registres de l’état civil doit présenter un caractère marocain et ne doit être ni un nom de famille ni un nom composé de plus de deux prénoms, ni un nom de ville, de village ou de tribu, comme il ne doit pas être de nature à porter atteinte aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. Le prénom déclaré doit précéder le nom de famille lors de l’inscription sur le registre de l’état civil et ne doit comporter aucun sobriquet ou titre tel que ‘’Moulay’’, ‘’Sidi’’, ou ‘’Lalla‘’ ».

La même loi prévoit que « l’inscription se fera en langue arabe avec mention en caractères latins des nom et prénom de l’intéressé ». Mais en fonction de l’orthographe latine justement, le fonctionnaire un peu zélé s’amuse à refuser certains prénoms pourtant répandu. Le prénom étant enregistré lors de la naissance sur l’état civil du pays d’accueil, il est écrit en fonction de l’accent du pays en question (pays francophone, anglophone ou hispanophone). Le fonctionnaire chargé de l’état civil au consulat peut refuser d’inscrire un prénom à cause d’une lettre ou de l’orthographe complète. Il peut aussi proposer le prénom avec une transcription différente de celle désirée par les parents. On peut donc refuser le prénom « Rasheed » parce que le fonctionnaire -francophone- ne connait que l’écriture « Rachid ».

Notre enquête révèle que les prénoms d’origine religieuse sont également bannis. « J’ai voulu prénommer ma fille Diyenna (ce qui veut dire religieuse ou celle qui aime la religion), mais au consulat, on m’a catégoriquement dit qu'il me sera impossible de donner ce prénom à ma fille si je veux qu'elle soit considérée Marocaine », nous a rapporté une internaute lors de notre appel à témoignage. Même chose pour des appellations jugées étrangères. « Ils ont refusé que ma petite sœur porte le prénom "Soraya", bien trop français à leur goût!! », s’est indignée une autre personne.

Pourtant les autorités du pays d’accueil acceptent ce genre de prénoms, même s’ils ne font pas partie de leur identité nationale. Alors que l’inscription à l’état civil marocain est une démarche citoyenne et patriotique de la part des parents, ils en ressortent avec un goût amer et ressentent une profonde injustice. Difficile dans ces conditions d’expliquer aux nouvelles générations de MRE –plus sensibles aux prénoms originaux et faciles à prononcer- que le Maroc est leur pays et qu’ils y sont la bienvenue.

L'inscription sur l'état civil marocain est obligatoire

Face à toutes ces restrictions, certains se sont posés la question à savoir s’il faut absolument inscrire l’enfant au consulat. La loi est claire en la matière. « La naissance est déclarée à titre obligatoire auprès de l’officier d’état civil près de la mission diplomatique ou du consulat du lieu où elle est intervenue par les proches parents du nouveau-né ». De plus, une naissance non déclaré est synonyme de la non reconnaissance de l’enfant par les autorités marocaines. Les conséquences d’une telle situation pour l’enfant sont entre autres, l’impossibilité d’avoir tout type de document administratif ou d’être un héritier légal.


Origine des prénoms des internautes MRE

Selon notre sondage, la répartition de l’origine des prénoms des internautes MRE place sans surprise l’arabe en première position (74%). Les prénoms d’origine amazighe sont également important (15%) mais restent faible au vu de la proportion importante de MRE d’origine amazighe. Enfin 6% des prénoms ont une autre origine. On peut imaginer y retrouver les prénoms juifs, et latins.



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