Samedi dernier, la réunion des ministres des Finances du G8 à Marseille (sud de la France), a débouché sur une promesse d’aide de près de 80 milliards de dollars pour soutenir les réformes démocratiques dans quatre pays arabes. Les heureux bénéficiaires de cette aide sont la Tunisie et l’Egypte, qui doivent se rebâtir après les chutes de leurs régimes politiques respectifs, mais aussi les royaumes du Maroc et de Jordanie, qui ont connu des soulèvements, de loin moins importants.
Au cours de ce même week-end, le Conseil de coopération du golfe (CCG) a témoigné son intérêt pour l’avenir de ces deux derniers pays. Il a ainsi proposé un plan quinquennal de développement et économique, ainsi l’adhésion du Maroc et de la Jordanie à l’organisation, fondée en 1981.
Une même initiative, diverses motivations
Les pays du G8 et du CCG inscrivent tous, leur initiative dans l’optique de contenir les effets néfastes du «printemps arabe». Mohammed Benhammou, directeur du Centre marocain d'études stratégiques (CMES), contacté par nos soins, résume la situation des pays qui ont connu, ou sont menacés par des soulèvements populaires : «Il faut concilier les soucis d’édification d’un état de droit, qui est un processus à long terme, et les questions économiques et sociales urgentes (emploi, sécurité sociales), qui exigent des réponses immédiates». L’aide accordée par le G8 et le CCG, devrait donc servir, selon le directeur du CMES, à résoudre ces questions immédiates.
Si les donateurs ont donc le souci commun d’assurer la stabilité des pays à qui est destinée l’aide, leurs motivations ne sont pas les mêmes. Les Etats du G8 entendent surtout «préserver la stabilité dans une région stratégiquement sensible» nous explique le professeur Benhammou. En effet le sud de la Méditerranée, actuel théâtre des soulèvements populaires du «printemps arabe», est l’un des plus importants réservoirs d’énergie du monde. Les grandes puissances financières du G8 ont donc à cœur de préserver leurs intérêts dans une région où le chaos ne fait les affaires de personne.
Promouvoir la démocratie dans pays les aiderait donc indirectement à parvenir à leurs fins. Le Maroc et la Jordanie n’ont pourtant pas connu les mêmes bouleversements que la Tunisie et l’Egypte. De plus, les réformes entreprises au Maroc sont saluées depuis des années par ces mêmes Etats du G8, au point que le Maroc a longtemps été cité comme l’expression arabe. Pourquoi dès lors le mettre dans le même lot que la Tunisie et l’Algérie ? Pour le directeur du CMES, les différents intérêts défendus par les pays du G8 empêchent une visibilité claire de la portée de leur action. Une chose est sûre, leur approche devra être différente pour la Tunisie et l’Egypte dont le changement se fait dans la rupture, et d’autre part le Maroc et la Jordanie, dont le changement s’effectue dans la continuité d’un climat de réformes. Dans les deux cas, il faut s’assurer que la transition vers l’Etat de droit soit la plus courte possible.
CCG, un club de monarchies arabes
Pour ce qui est de l’appui du CCG il s’agit évidemment de renforcer la coopération avec le Maroc et la Jordanie qui sont aussi des monarchies arabes. L’aide du CCG revêt un aspect politique encore plus important, souligne Mohammed Benhammou. En plus de se prémunir de l’effet contagieux du «printemps arabe» qui a sévi dans les Etats voisins (Syrie, Yémen, Bahrein), il s’agit de faire bloc contre la menace grandissante de l’Iran qui veut s’octroyer un leadership régional dans le golfe persique, notamment en manipulant les populations chiites des autres pays de la région, pour déstabiliser les régimes en place.
Dans ce cadre, les pays du golfe qui ont soutenu militairement le royaume de Bahreïn en mars dernier lors des soulèvements de la population (majoritairement chiite) contre le régime (sunite), chercheraient-il à s’assurer l’appui des expérimentées forces de sécurité marocaines en cas de troubles similaires ? Pour le professeur Benhammou, il serait réducteur d’aborder la future coopération Maroc-CCG sous cet angle. Ceci, d’autant que «le Maroc n’a jamais joué les gendarmes pour qui que ce soit», et que ses dirigeants ne s’engageront certainement pas dans la répression des populations.
Mohammed Benhammou précise cependant, que dans la mesure où ces alliés du CCG subiraient une agression extérieure (celle de l’Iran ? ndlr), le Maroc privilégierait la voie de la médiation. Si celle-ci venait à échouer, une intervention militaire est envisageable, dans la mesure où «le Maroc est toujours resté fidèle à ses engagements de défense des intérêts de nations arabes sœurs».