Les discussions entre pilotes et direction de Royal Air Maroc ont été interrompues mardi soir, menaçant ainsi de prolonger dangeureusement la crise qui secoue, depuis le 20 juillet dernier, la compagnie aérienne nationale.
«Les points de négociations comportaient des demandes mutuelles des deux parties, dont la formation des pilotes», nous confie une source au sein du bureau de l’Association marocaine des pilotes en ligne (AMPL) ce jeudi. «L’école nationale des pilotes en ligne (ENPL) est l’élément le plus important de ce projet. C’est ce qui peut garantir la méritocratie de ce métier», poursuit notre source.
En effet, en 2014, Royal Air Maroc avait procédé à la fermeture de son centre de formations avant d’orienter les élèves pilotes vers l’Ecole nationale de l’aviation civile (ENAC) de Toulouse. Fin mai 2018, une annonce de la réouverture de cet institut avait réjoui les pilotes de l’AMPL avant que ce projet ne tombe à nouveau dans les oubliettes. «Il y a six mois, la RAM était convaincue d’avoir le Contrat-Programme avec l’Etat et on était confiants quant à l’ouverture de l’ENPL», rappelle notre source.
Trois défis majeurs pour surmonter la crise ?
Mais en attendant ce Contrat-programme, la crise sociale opposant la direction de la compagnie nationale aux pilotes risque de perdurer. Afin de la surmonter, l'AMPL avance trois dossiers sur lesquels doit se pencher la compagnie nationale : «La formation, le recrutement direct des OPL étrangers en contrat à durée déterminée et l’affrètement». S’agissant de la première, les pilotes demandent «une école nationale affilée à la RAM».
Notre source rappelle avoir été formée, en tant que pilote, «à 450 000 voir 500 000 dirhams», pris en charge par la RAM. «Aujourd’hui, un pilote formé à l’ENAC (école nationale d’aviation civile de Toulouse, ndlr), avec une formation équivalente, débourse lui-même 1,4 million de dirhams», compare-t-elle. Il s’agit-là d’une solution devant alléger la pression sur les pilotes et pallier au sous-effectif. Notre interlocuteur précise, encore une fois, que les pilotes ne sont pas en grève.
«On met de côté notre flexibilité pour que la RAM écoute nos doléances. On faisait 30% du travail en plus, faute d’effectifs, mais rien n’a changé et lorsqu’on a décidé de ne plus travailler plus que ce qu’on doit, tout en maintenant un effort sur les volumes horaires, le PDG est sorti dans la presse pour dire que nous faisons grève, ce qui n’est pas vrai.»
Quant à l’affrètement, notre interlocuteur rappelle que la RAM était habituée à «systématiquement affréter pendant la période estivale», depuis la recommandation faite par la Cour des comptes dans son rapport de 2011. «Structurer votre flotte sur la basse saison, avait suggéré le rapport. Malheureusement, aujourd'hui la RAM ne trouve pas d’avions à mobiliser», regrette notre source.
Les pilotes dénoncent les «fake news»
Cette dernière précise que les pilotes en ligne avaient «tiré la sonnette d’alarme il y a déjà deux ans sur toutes ces questions mais c’est dommage que la RAM impute toujours les récentes perturbations des vols au travail des pilotes».
D'ailleurs, sur les annulations des vols depuis le 20 juillet, notre source précise que «le taux d’annulation arrive à peine à 0,8%», faisant savoir que les pilotes ne comprennent pas plusieurs «fausses informations qui circulent à ce sujet». «Lorsque, par exemple, un Nice-Casablanca est annulé, la RAM indique sur sa page l’annulation de deux vols, soit Nice-aller et le Nice-retour, alors qu’il ne s’agit que d’un seul vol», s’étonne notre source.
Pour cette dernière, «cela fait peur aux passagers et compromet même la prochaine saison, puisque c’est à partir de maintenant que les gens commencent à réserver leurs voyages d’hiver».
«Il faut que la RAM puisse répondre aux vrais problèmes, qu’elle fasse tout pour pallier au manque d’effectif et qu’elle puisse mettre en place des actions à long terme pour régler ce problème», conclut notre source.
Les clients, dont les Marocains du monde et ceux souhaitant se rendre en Arabie saoudite pour accomplir le pèlerinage, devront encore prendre leur mal en patience en attendant que les deux parties parviennent à une issue à la crise actuelle. Du côté du ministre du Transport aérien, Mohammed Sajid, ou du ministère des Marocains résidant à l'étranger, Abdelkrim Benatiq, la grave crise qui entâche l'opération Marhaba ne semble pas les inquiéter outre mesure.