Le limogeage du ministre de l’Economie et des finances, Mohamed Boussaid, est un coup dur pour le RNI d’Aziz Akhannouch. La formation était jusque-là épargnée des colères royales, ce qui a permis à la Colombe de voler au-dessus des autres composantes de la majorité gouvernementale et de tirer profit de cette «exception».
Désormais, le RNI est logé à la même enseigne que les autres partis ayant subi la foudre royale sous les gouvernements Benkirane I, II et El Othmani. Sa prétendue «proximité» avec le Palais est ainsi sérieusement remise en question. Cette révocation devrait bénéficier au PJD et à Saâdeddine El Othmani.
Une opportunité pour El Othmani
En effet, les islamistes de la Lampe voient en la sanction royale une opportunité qui s’offre à leur secrétaire général, afin d’asseoir son autorité sur les membres de son gouvernement. Depuis l’entrée des ministres RNIstes au cabinet Benkirane II, en octobre 2013, ils ont tenu à prendre leur distance par rapport à l’ensemble du gouvernement, préférant jouer leur propre partition.
Parfois, Benkirane tapait du poing sur la table, comme en 2015 après les révélations sur l’affaire du Fonds de développement rural. Pour rappel, la tutelle de ce fonds avait été attribuée par Mohamed Boussaid, alors ministre des Finances, à Aziz Akhannouch, au lieu d’être sous la responsabilité du chef du gouvernement.
Mais parfois, la direction du PJD se désolidarisait des déclarations critiques de certains de ses membres à l’encontre du même Boussaid. Ce fut le cas en novembre 2014, lorsque Mustapha El Haya, élu islamiste à la mairie de Casablanca, avait ouvertement accusé une société du frère du ministre RNIste de bénéficier de plusieurs projets sans passer par la procédure de l’appel d’offres. Une entreprise qui, selon les dires du PJDiste, réalise des routes dans la grande métropole. Mais l’affaire a vite été étouffée par le parti de la Lampe.
L’appel des partisans de la campagne de boycott entendu ?
Ce limogeage satisfait également une des revendications des Marocains ayant appelé et pris part à la campagne de boycott de trois produits de sociétés marocaines. A peine quelques jours après le lancement de l’opération, le 20 avril dernier, les boycotteurs avaient demandé la démission de Mohamed Boussaid, qui les avait traités de «M’daouikhs». Une déclaration faite par le ministre devant les conseillers de la Chambre haute.
Boussaid avait échappé à la liste des responsables limogés par le roi Mohammed VI, dans le cadre du retard constaté dans la réalisation du programme «Al Hoceima Phare de la Méditerranée». Le 24 octobre 2017, un premier «séisme politique» s’était traduit par le limogeage de plusieurs responsables politiques, dont Mohamed Hassad, ancien ministre de l’Intérieur, Houcine El Ouardi (ancien ministre de la Santé), Nabil Benabdellah (secrétaire général du PPS et ancien ministre de l’Habitat), Hakima El Haite (ex-ministre déléguée chargée de l’Environnement) ou encore Lahcen Haddad (ex-ministre du Tourisme).