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Grand Angle

Chronique du Dr Lahna : Le temps des menaces… et de la résistance

Le peuple ne supporte plus d’être balloté de services en services, d’attendre des lustres sur des listes d’attente, d’être détourné des hôpitaux publics vers des structures privées, ou carrément de tendre une corruption.

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Photo d'illustration. / DR
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Suite à des chroniques qui décrivent les dysfonctionnements dont j’ai été témoin dans quelques hôpitaux publics, occasionnés par des humains et non par l’absence de structure ou de matériel, et dont les victimes sont les patientes et leur dignité, j’ai reçu quelques critiques constructives, parfois de la calomnie sur mes objectifs ou compétences, pour finir avec le désir de m’empêcher de travailler dans les hôpitaux du Royaume. Rien que ça.

Je n’ignore pas que les bras dont j’avais besoin pour travailler dans leurs hôpitaux peuvent devenir longs, pour aller jusqu’au ministère de la Santé et stimuler de la nuisance. Quand il s’agit de critiques, les personnes normalement constituées essaient de comprendre, d’argumenter et, si elles reconnaissent leurs torts, de se rattraper. Les autres pensent avoir tout compris à la marche de ce monde et se sont installés dans leur tour d’ivoire, qui les empêche par ailleurs de sentir le bouillonnement de la rue et les doléances populaires de plus en plus pressantes.

Le peuple et surtout le peuple souffrant. Que demande-t-il ? A être bien reçu et soigné dignement. Revendication somme toute légitime et normale. Le peuple ne supporte plus d’être balloté de services en services, d’attendre des lustres sur des listes d’attente, d’être détourné des hôpitaux publics vers des structures privées, ou carrément de tendre une corruption.

Le peuple réclame de la dignité et j’essaie de lui en donner du mieux que je peux avec les moyens qui sont en ma possession. Et mes moyens sont mon savoir, mon savoir-faire et mon savoir être. 

Personne n’est irremplaçable et encore moins éternel

Alors, dès que j’ai eu cette opportunité de sillonner les hôpitaux qui veulent bien m’ouvrir leurs portes afin d’y opérer les femmes qui étaient sur des listes d’attente, j’en ai profité pour enseigner des techniques chirurgicales aux gynécologues et parfois aux urologues qui se donnent la peine de venir apprendre, afin qu’ils puissent continuer à rendre service à la population. Puisque personne n’est irremplaçable et encore moins éternel. 

Sans parler des formations interactives des sages-femmes en obstétrique d’urgence pour qu’elles puissent sauver un maximum de femmes en couches et de nouveau-nés en souffrance.

Ceux ou celles qui souhaitent œuvrer pour me fermer les portes des hôpitaux, ne se sont-ils pas demandés pourquoi je le faisais ? Ou pourquoi les médecins affectés ne le faisaient pas ? 

Parce que les jeunes médecins n’ont pas eu l’apprentissage nécessaire quand ils étaient en formation, alors je les aide et j’opère des femmes qui, autrement, devraient se rendre dans de grandes villes et supporter des frais inconsidérés. D’autres médecins ont une charge de travail telle qu’ils ne font plus que les urgences, n’ayant pas le temps de gérer les maladies chroniques. Sans parler des arrangements de présence, qui nuisent à la qualité du travail, au médecin et bien évidement au patient.  

Vouloir faire du mal pour punir. Mais pour punir qui, bon sang ? Encore les malades, toujours les malades. Est-ce une vocation sous nos cieux de devenir médecin, non pas pour rendre service mais pour faire du mal au patient ? 

Personnellement, je continuerai à essaimer par tous les moyens mis à ma disposition. Et si je ne pourrais plus accéder aux hôpitaux pour opérer, soulager et enseigner, je trouverai d’autres moyens. Il n’y a aucune limite à l’innovation et à la créativité... 

Je finis avec une anecdote racontée par mon collègue, chef du pôle mère-enfants à l’hôpital Pagnon de Meknès. Alors qu’il venait le matin vers l’hôpital où j’effectuais avec lui et d’autres gynécologues des interventions chirurgicales, il a croisé le caïd de l’arrondissement.

- Venez voir ce que nous faisons à Pagnon, ce n’est pas que du négatif comme n’arrête pas de l’écrire la presse régionale, lui a dit le médecin.

- Je sais, vous avez le Dr Lahna. Lundi, il a fait trois interventions, mardi quatre et maintenant il est sur place en train d’opérer...

- Alors là, je dis chapeau, vous savez tout comme si vous étiez avec nous.

- On suit docteur… L’hôpital est un endroit très sensible et le Dr Lahna participe à sa façon à la paix sociale, a fini par lui céder le caïd. 

Justement, la paix sociale, c’est de défendre le faible et de lui rendre service de façon organisée et continue, comme on aimerait être traité. Enfin, c’est ce que je pense.

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