D’un père vétérinaire, la journaliste Siham Ouchtou a vécu son enfance et son adolescence à Ouarzazate avec un rêve. Celui de devenir journaliste, à l’image de celles et ceux qu’elle voit sur les chaînes d’information continue. Du haut de ses 29 ans, elle a réalisé cette ambition après avoir rejoint Deutsche Welle à Bonn, ville où elle a également suivi son master, après des études en journalisme à Rabat.
Durant son enfance, Siham Ouchtou a côtoyé un père dont elle est toujours aussi proche, qui a été président de la municipalité d’Ouarzazate, dans le temps. «J’ai grandi dans une maison où il y avait des journaux tous les jours, vu le grand intérêt de mon père pour la politique, nous confie-t-elle. Je voulais faire une filière littéraire depuis l’âge de 12 ans, car j’étais passionnée par la poésie et la langue arabe. A la maison, les chaînes d’information continue faisaient partie du fond sonore et peu à peu, j’ai eu envie de devenir un jour présentatrice». Une ambition qui l’a tellement habitée qu’elle s’est donnée les moyens d’y arriver, nous raconte-t-elle.
Un déclic pour le journalisme
A 17 ans, Siham Ouchtou a une idée précise de ce qu’elle projette de faire pour son avenir proche. «Beaucoup dans ma famille ont eu un parcours scientifique et mon père a voulu que je fasse pareil au lycée, mais j’ai choisi un chemin différent en optant pour les études littéraires que j’ai toujours souhaité suivre». C’est à ce moment-là qu’elle accompagne un jour son frère pour assister à sa soutenance, dans une école d’ingénierie à Rabat.
«Tout en face, j’ai découvert l’Institut supérieur de l’information et de la communication. Je n’avais jamais imaginé qu’une école formait les journalistes au Maroc. Mon choix pour mes études supérieures a tout de suite été fait.»
Admise à l’institut avec succès, la graine de journaliste ne se contente pas d’assister assidument à ses cours. A peine à 19 ans, sa curiosité et son niveau de langue lui permettent d’évoluer rapidement, jusqu’à ce qu’elle soit retenue par la rédaction du quotidien panarabe Asharq al-Awsat. Elle revient sur cet épisode avec émerveillement :
«Après mon stage obligatoire à la fin de la deuxième année, Talha Jibril, alors rédacteur en chef du bureau d’Asharq al-Awsat au Maroc, a apprécié mon niveau d’arabe et mon travail. Il a insisté à ce que je continue ma collaboration. A force de lire les journaux depuis mon jeune âge, en côtoyant mon père de près, mon style s’est en effet imprégné de l’écriture journalistique au fil du temps et je n’ai pas eu véritablement besoin de me perfectionner là-dessus. Le journaliste m’a donc donné carte blanche et malgré mon jeune âge, j’ai pu interviewer des responsables politiques, faire des articles d’analyse et même sortir un scoop comme les révélations de l’ex-athlète Khalid Skah, lorsqu’il avait déclaré mettre sa médaille d’or à la disposition de quiconque pourrait ramener ses enfants au Maroc.»
Bénéficiant du feu vert de la direction de sa rédaction pour aller sur le terrain avant l’heure, Siham Ouchtou a ainsi réussi à faire ses premières armes bien avant d’avoir son diplôme, quitte à rater quelques cours. «L’institut de journalisme m’a beaucoup appris, sur le plan théorique. Mais c’est en ayant un pied dans le monde professionnel que j’ai pu évoluer et apprendre encore plus», estime-t-elle. «Le jour de la remise des diplômes, j’avais déjà trois ans d’expérience dans le journalisme», nous confie-t-elle fièrement.
Un départ non-calculé pour Bonn
Au-delà de ses attentes et à la fin de ses études en journalisme, Siham Ouchtou est choisie par la chaîne internationale Deutsche Welle (DW) pour un stage au sein de sa rédaction arabophone, basée à Bonn. «Je n’aurais jamais imaginé faire ce passage, nous confie-t-elle. Je me serais peut-être imaginée continuer des études ou travailler en France, vu notre proximité linguistique, ou en Espagne si je prends quelques cours avant mon départ. Mais je ne m’étais pas imaginée vivre en Allemagne».
Arrivée à Bonn, c’est le déclic. Siham Ouchtou est admirative du cadre professionnel qu’elle découvre, de l’autonomie et de la confiance dont elle bénéficie. Sur la plateforme de DW, elle s’exerce à traiter des sujets de fond concernant son pays, mais destinés à des lecteurs non-Marocains.
A la fin de son stage et de retour au Maroc, elle est déterminée à revenir à Bonn et à continuer à travailler pour DW idéalement. Sans plus attendre donc, elle prend des cours d’allemand à Rabat, en attendant le début des inscriptions aux universités étrangères, où son choix est là également fait. Elle postule pour l’Académie de Deutsche Welle, où elle est admise parmi plusieurs.
Avant même de terminer son master, Siham Ouchtou passe en 2015 un casting organisé par Deutsche Welle. Elle qui a l’habitude d’exercer dans la presse écrite et de développer des formats longs, elle est désormais retenue pour présenter le journal d’information au sein de la rédaction arabophone. Elle ne découvre pas le pays pour la première fois, ce qui l’a aidée à s’adapter facilement à son nouvel environnement social et professionnel. Diplômée en master en 2016, elle est déjà lancée dans le paysage audiovisuel allemand.
«Ici, la population est très respectueuse envers les femmes, l’atmosphère du travail est très agréable et j’ai toujours rêvé de travailler pour un média international. J’ai fini donc par me retrouver à Bonn.»
L’art, un plaidoyer pour l’accueil des réfugiés en Allemagne
Parallèlement à son parcours à DW, la journaliste a une autre passion. Aimant le chant depuis son enfance, ce talent que seuls ses proches lui ont connu jusque-là lui a permis de contribuer à une campagne pour l’accueil des réfugiés en Allemagne. Elle nous rappelle la naissance de ce projet :
«Au sein de DW, un département est chargé de promouvoir la langue allemande. Ses responsables ont donc pensé à élaborer une chanson et comme la question des réfugiés est à la Une des débats en Europe, ils ont proposé d’en faire une en faveur de leur accueil. Quelques couplets sont censés être chantés en dialecte syrien. J’ai traduit les couplets et j’ai participé à l’enregistrement.»
Siham Ouchtou garde un souvenir particulier de cette expérience comme étant celle qui l’a marquée le plus en Allemagne, d’autant plus qu’elle s’est sentie directement concernée par la thématique de cette chanson. «Dans un pays loin du mien, où je suis immigrée, le fait de participer dans un projet artistique pour l’accueil des réfugiés est quelque chose de très particulier», souligne-t-elle. Pour la journaliste, «même si l’on s’adapte au pays d’accueil, famille et proches nous manquent toujours». Un sentiment que Siham connaît très bien, même quand elle revient au Maroc deux à trois fois par an.
Exigeante envers elle-même, elle estime que «même avec dix ans d’expérience dans la presse internationale», elle n’est pas encore arrivée à réaliser toutes ses ambitions.
«J’ai fait des enquêtes et des reportages, des analyses, mais je veux encore parfaire mon travail et je ne vois pas l’intérêt de proposer maintenant des contributions à des prix internationaux, par exemple. Un journaliste primé doit être celui qui a véritablement ajouté quelque chose au débat public en faisant changer les choses.»
En effet, Siham Ouchtou estime que son métier «doit être véritablement un quatrième pouvoir, celui qui porte la voix des peuples et qui rend compte de leurs réalités, avec leurs bons côtés mais aussi les moins bons». Elle considère ainsi que «le journalisme ne doit pas être sous l’emprise d’un appareil politique, qui déforme la réalité ou qui idéologise son traitement. C’est un exercice critique qui doit permettre aux gens de remettre les choses en question».