Rifain, né à Liège de parents tous les deux Marocains et issu d’un milieu populaire, le Belge d’origine marocaine Ahmed Laaouej est devenu, le 21 septembre dernier, nouveau président du groupe parlementaire du Parti socialiste à la Chambre des députés du Parlement fédéral belge. Une consécration qu’il doit à son engagement politique datant de plusieurs années, à ses études en droit fiscal, à la diversité culturelle du milieu où il a grandi et à ses origines marocaines.
Ahmed Laaouej voit le jour un 8 décembre 1969 à Liège. Il est cinquième enfant d’une famille marocaine ayant immigré en Belgique dans les années 60. «Mon père est arrivé en Belgique en 1962 parce qu’il y avait en Europe un grand besoin de travailleurs et de main d’œuvre dans les mines de charbon mais aussi dans la sidérurgie, dans la construction et ma mère l’a rejoint en 1969 avec mes quatre frères et sœurs ainés», nous confie-t-il. Il est d’ailleurs le premier de la famille né en Belgique.
«J’ai eu une enfance assez normale dans un quartier où il y avait beaucoup de personnes d’origine immigrée. Il y avait des Marocains mais aussi des Italiens, des Turques. Donc j’ai grandi dans une pluralité et dans un milieu ouvrier où il y avait beaucoup de solidarité. J’ai aussi eu une scolarité assez normale.»
Après des études en droit, parce qu’il avait le goût pour les questions juridiques et administratives, comme il nous explique, le nouveau président du groupe parlementaire PS et ancien conseiller communal à Koekelberg découvre aussi son penchant pour les chiffres et fait donc des études en droit fiscal et finances publiques. Une fois son diplôme décroché, il passe un concours du ministère des Finances et l’intègre en tant qu’inspecteur à l’administration des Finances. Parallèlement, il s’engage politiquement.
A la recherche d’un spécialiste sur les questions de finances publiques, d’impôts et de fiscalité, le président du Parti socialiste Elio Di Rupo le recrute en tant que conseiller politique.
En 2006, les Koekelbergeois l’élisent en tant que conseiller communal. Quatre ans plus tard, il est sénateur et vice-président de la Commission finances et économie du Sénat de Belgique. En 2014, le Rifain devient député à l’assemblée du Parlement fédéral avant d’être élu à la tête du principal groupe d’opposition.
Un Belge attaché à ses origines marocaines
«J’ai des très beaux souvenirs de nos vacances au Maroc», nous répond-t-il quand on lui pose la question sur son pays d'origine. Il nous raconte aussi que ses parents sont originaires de Kebdana, «à quelques kilomètres de Ras El Ma et pas très loin de Berkane». Mais ce n’est qu’une fois adulte qu’il découvrira le royaume. «J’ai commencé à découvrir le Maroc en parcourant tout seul d’autres villes comme Tanger, Fès, Rabat, Casablanca, Marrakech,… Et on continue de découvrir le Maroc», poursuit notre interlocuteur.
«On est évidemment attaché à nos origines et en même temps on a un grand combat de citoyenneté en Belgique et comme on est dans un contexte de crise économique, on revoit l’arrivée du populisme avec des propos xénophobes et racistes. Donc oui je suis Belge mais je ne renie pas mes origines dont je suis très fier.»
Bien qu’il affirme ne jamais avoir été confronté au racisme, que ce soit au niveau de l’école, l’université ou le milieu professionnel et politique, Ahmed Laaouej raconte avoir «dû constater que de manière très générale, à l’échelle du pays, il y avait de la discrimination à l’embauche et ce sont des faits qui sont établis». «Donc si moi personnellement je ne l’ai pas vécu, cela ne veut pas dire que le phénomène n’existe pas», nous déclare-t-il, avant d’ajouter qu’il n’est «pas aveugle par rapport à ceux qui rencontrent des difficultés et je ne tourne pas le dos à cette réalité sociale».
En 2014, Ahmed Laaouej est devenu député à l’assemblée du Parlement fédéral. / Ph. La Libre
Il revient pour affirmer encore une fois que pour lui, «c’est très intéressant et enrichissant d’avoir finalement plusieurs cultures, et être à la fois issu de la migration marocaine, de la tradition et de la culture marocaine, arabophone ou amazighophone, et d’un univers où il y a des gens de partout». «Ça m’a aussi permis d’avoir une grande ouverture sur le monde et sur d’autres cultures. Vous apprenez le vivre ensemble, la découverte des autres et toute la richesse du monde et cela forge une personnalité qui est ouverte vers les autres», nous affirme-t-il.
L’Euroméditerranée et le Hirak du Rif
A la question sur ce qu’il pense des avancées enregistrées par le Maroc et les dernières actualités du royaume, Ahmed Laaouej précise tout d’abord avoir «toujours considéré qu’il ne faut pas mélanger». «Moi comme député belge, je n’ai pas à avoir des jugements sur la politique intérieure marocaine et en Belgique, on comprendrait très mal qu’un député marocain donne des leçons sur la manière dont la politique intérieure se passe en Belgique», nous explique-t-il. Mais cela ne l’empêchera pas de répondre à la question. «Ce qui moi me semble important, c’est de faire en sorte que le Maroc puisse rencontrer les enjeux du 21e siècle. Le monde est en train d’évoluer à une vitesse extrêmement rapide et donc moi je suis pour relancer le projet de l’Euroméditerranée et renforcer la collaboration et la coopération entre les pays du Maghreb et les pays de l’Union européenne», fait-il savoir.
Il saisit l’occasion pour rappeler qu’il fait partie de l’assemblée parlementaire de l’Euro-Méditerranée et qu’il a récemment eu l’occasion d’avoir un échange avec le président de la Chambre marocaine des représentants, Habib El Malki au Parlement belge.
Quant aux événements récents au Maroc, notre interlocuteur rappelle qu’en Belgique, une grande communauté est issue du Rif, particulièrement à Bruxelles.
«Je n’ai pas de leçon à donner, mais c’est vraiment essentiel, et cela est vrai au Maroc comme en Belgique, que les revendications sociales soient entendues. J’espère très sincèrement qu’on va pouvoir trouver des solutions qui permettront de pacifier les choses dans le respect des uns et des autres et que du côté des autorités et de la société civile, les deux parties puissent trouver le chemin du dialogue.»
Il insiste ensuite sur la nécessité d’avoir un Maroc «pacifié et fort». «Heureusement que le Maroc n’a pas connu les drames qui ont été observés dans d’autres pays et je crois que cela tient à la maturité des Marocains. Mais en même temps cette maturité doit pouvoir se prolonger et récompenser avec des avancées sociales et la résomption des inégalités». Et Ahmed Laaouej de conclure : «Le Maroc est un pays qui a un potentiel énorme, humain d’abord, économique, agricole, culturel,… Il a tout ce qu’il faut pour réussir les enjeux du 21e siècle».