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Grand Angle

Législatives : La CGEM se positionne contre le gouvernement Benkirane, quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote

Le gouvernement d’Abdelilah Benkirane est sans conteste l’exécutif marocain ayant rassemblé le plus grand nombre d’ennemis en l’intervalle de cinq ans. Preuve en est des attaques fréquentes et perpétuelles à l’encontre du chef du gouvernement, son parti et les membres de sa coalition. Après les affaires impliquant le ministère de l’Intérieur ainsi que l’appel de guerre lancé par les centrales syndicales, le patronat rejoint lui aussi le navire. Détails.

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Miriem Bensalah-Chaqroun, présidente de la CGEM aux côtés d'Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement. / Ph. B. Taougar, Le 360
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A quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote pour les élections législatives, les partis politiques multiplient les meetings et les sorties médiatiques pour rallier un maximum d’électeurs. D’autres acteurs s'emploient à savonner la planche au gouvernement sortant, mené par le Parti de la justice et du développement (PJD). Durant les dernières semaines, l’opinion publique a constaté des sorties et des interventions remarquables du ministère de l’Intérieur, de centrales syndicales et, plus récemment, de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) via sa présidente, Miriem Bensalah-Chaqroun.

Une seule cible et plusieurs parties prenantes

Alors que le ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad codirige la Commission chargée des élections, son département a été pointé du doigt pour les entraves posées au PJD à l’occasion du scrutin électoral. La saga des bras de fer entre ce ministère et le parti de la Lampe n’est pas passée inaperçue. L’occasion de rappeler la fameuse «marche» contre l’«islamisation de la société», organisée à Casablanca le 18 septembre dernier. Une manifestation à propos de laquelle les participants ont eux-mêmes reconnu qu’ils y avaient été convoqués par les agents d'autorités dépendant donc du ministère de l'Intérieur. Ces derniers auraient même mis à leur disposition des autocars et d’autres moyens de transport. Dernièrement, une autre épreuve de force s’est jouée entre le PJD et le Wali de Marrakech, Abdelfattah Labjiou. Ce dernier appelant la formation islamiste à déplacer son meeting ailleurs qu’au stade du complexe sportif Zerktouni pour des raisons de sécurité, raison officielle.

Mais si le ministère de l’Intérieur se défend de toute hostilité envers les «frères» d’Abdelilah Benkirane, plusieurs centrales syndicales ont clairement pris position en appellant les Marocains à voter contre les partis membres de la coalition gouvernementale. Par le biais d’un «vote sanction», les principaux syndicats disent vouloir punir les partis de la majorité, en allant voter pour ceux de l’opposition.

La plus récente sortie médiatique émane du patronat et vise également à mettre à nu le gouvernement et sa majorité, tout en le sacrifiant sur l’autel des échéances électorales. Dans une interview accordée à nos confrères de Febrayer, la présidente de la CGEM, Miriem Bensalah-Chaqroun, s’invite dans le débat électoral. Cette dernière revient sur les relations entre le patronat et le gouvernement, à 48 heures seulement de la fin de l’actuel quinquennat, déplorant le «manque de confiance qui s’est installé entre le chef du gouvernement et le privé».

Une tentative de dernière minute pour influencer les électeurs

Par cette sortie médiatique, le pouvoir économique tente-t-il d’influencer les citoyens indécis ? C’est la question que nous avons d’abord posée à Mohamed Benhamou. Le président du Centre marocain des études stratégiques (CMES) de répondre : «Certes, ces propos interviennent au dernier moment de la vie de ce gouvernement mais, à mon sens, ils n’ont rien de nouveau». Pour Mohamed Benhamou, les chefs d’entreprises affiliés à la CGEM ont «certainement voulu exprimer leurs positions en ce moment parce qu’ils doivent s’attendre à ce qu’il y ait un changement. Il s’agit aussi de permettre aux indécis de marquer leur position».

D’après l’universitaire et politologue, un vote est un ensemble de paramètres, «surtout pour ceux qui ne sont pas politisés ou ne sont pas membres de partis politiques et qui représentent une bonne partie de la population». A l’appel des centrales syndicales et celui lancé par la CGEM, «une bonne partie des syndicalistes, et certainement une bonne partie des entrepreneurs», répondront présents, prévoit notre interlocuteur. «Jamais au Maroc nous n’avons eu un scrutin pareil avec tant d’incertitude. Nous ne savons pas si le PJD va pouvoir garder sa place ou s’il va être tout simplement recalé demain.»

De son côté, l’économiste Najib Akesbi livre un constat sans équivoque : «Est-ce que le patronat tente d’influer ? C’est une évidence. C’est une composante majeure du lobby conservateur, au sens précis du terme, c’est-à-dire celui relatif à la conservation de l’ordre des choses». Membre du bureau politique du Parti socialiste unifié (PSU), l’une des composantes de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), Najib Akesbi ne mâche pas ses mots : «La CGEM roule pour ses affaires et ses intérêts. Il est évident que, d’une manière ou d’une autre, elle interviendra». La CGEM est membre de la Chambre haute du Parlement, et par conséquent «partie prenante dans le jeu politique», rappelle-t-il.

Dernière question : les appels implicites de l’organisation patronale marocaine aboutiront-ils ? «L’impact ne devrait pas être important puisqu’il s’agit d’un suffrage direct. Même si l’appel de la CGEM est clair, je ne crois pas qu’il puisse avoir un impact, même significatif, sur les élections», répond le spécialiste. Celui-ci juge enfin que ces sorties médiatiques «vont renforcer et booster le PJD qu’ils veulent combattre. Ce sont des maladresses et, malheureusement, le résultat obtenu est exactement le contraire de ce qu’ils espéraient».

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