3 années d’efforts et de travaux auront été nécessaires pour réhabiliter la plus vieille bibliothèque du monde encore fonctionnelle. En mai prochain, la bibliothèque d’Al Quaraouiyine va rouvrir ses portes au grand public qui pourra y découvrir et peut être même consulté des manuscrits anciens datant du 9ème siècle. Après avoir reçu des subventions, le ministère de la Culture a engagé les travaux pour rénover cette bibliothèque et surtout protéger les documents anciens qu’elle conserve.
La plus vieille bibliothèque dans un état de délabrement avancé
Cette tâche délicate et impérieuse a été confiée à l’architecte canado-marocaine, Aziza Chaouni qui doit conduire les travaux devant protéger le trésor documentaire mais aussi rendre la bibliothèque fonctionnelle pour le grand public, comme le confirme un site d’informations citant TED, une organisation à but non lucratif dédiée à l’éducation. L’architecte a un pincement au cœur lorsqu’elle découvre l’état de délabrement des locaux de la bibliothèque. «Quand j’ai visité l’endroit pour la première fois, j’étais choquée par son état. Dans un dépôt contenant des manuscrits datant du 7ème siècle, la température et l’humidité n’étaient pas contrôlées et il y avait des fissures dans le plafond», raconte l’architecte.
Des manuscrits, parchemins, documents et livres couvrant des champs disciplinaires allant de la théologie à la grammaire en passant par l’astronomie et les connaissances en matière de droit courraient le risque d’être détruits ou détériorés par les termites ou la moisissure. Face à l’état de détérioration avancée, l’équipe de Chaouni se met en quête de restaurer le bâtiment tout en gardant l’architecture originelle du bâtiment. Mais problème de taille, le bâtiment doit aussi être aux normes pour permettre la conservation des archives de documents qu’elle abrite. Un défi à l’architecture et à la durabilité !
Pourtant, «au fil des années, la bibliothèque a subi de nombreuses rénovations, mais elle [souffrait] de problèmes structurels majeurs : une absence d’isolation et des déficits au niveau des infrastructures comme un système de drainage [des eaux de pluie], des tuiles cassées, des poutres en bois fissurées, des fils électriques exposés entre autres», analyse Aziza Chaouni. D’autres défis pratiques sont venus compliquer le travail des équipes de l’architecte. «Le nettoyage des sculptures en plâtre sans les casser était très délicat. Et le projet fut plein de surprises». Mais Aziza Chaouni s’y était préparée. «L’un des aspects les plus surprenants lors de la restauration d’un bâtiment, c’est que vous ne savez jamais ce qui se cache derrière un mur. Vous pouvez le casser et découvrir une toile, enlevez la toile et découvrir une porte et ainsi de suite. Nous avons découvert des choses inattendues en particulier dans le sous-sol [du bâtiment] tel un système d’égouts centenaire», se remémore la Canado-marocaine.
Le passé comme matériau pour la bibliothèque moderne et durable
Pour Aziza Chaouni et ses équipes, il fallait composer avec le passé mais restaurer l’édifice avec des techniques modernes qui doivent permettre d’inscrire la bibliothèque dans la durée. «Je ne voulais pas que le bâtiment devienne un cadavre embaumé. Il fallait préserver l’équilibre entre les espaces originaux, répondre aux besoins des futurs utilisateurs notamment les étudiants, les chercheurs et les visiteurs en plus de l’intégration des nouvelles technologies durables-panneaux solaires, collecte d’eau pour l’irrigation du jardin… ». L’architecte a débuté avec les célèbres fontaines de la bibliothèque qui puisent leur jet dans le tissu urbain de l’ancienne médina de Fès et son vaste et ancien réseau d’adduction d’eau. Aziza Chaouni a choisi de restaurer les fontaines originales de la cour de la bibliothèque. Pour d’autres, elle les a créées à partir de zéro en se servant des matériaux locaux.
Après 3 longues et fastidieuses années d’une rénovation pleine de surprises, la bibliothèque d’Al Quaraouiyine qui rouvrira en mai prochain comprendra une salle de lecture, des étagères de livres, une salle de conférence, un laboratoire de restauration de manuscrits et une collection de livres rares. A ces pièces, s’ajoutent des locaux administratifs et un café. Le bâtiment est aussi équipé de panneaux solaires et d’un système de récupération des eaux de pluies.
Pour la touche design, l’architecte a commandé des meubles en bois aux artisans locaux mais aussi des ombrelles qui apportent un peu d’ombre et de fraîcheur pendant les chaudes journées estivales. Sous la coupole du 12ème siècle du bâtiment, les futurs visiteurs pourront assister aux expositions permanentes ou temporaires. «Les Marocains aussi bien que les visiteurs étrangers pourront s’y rendre et voir, pour la première fois, certains des manuscrits étonnants et uniques de la bibliothèque tout en profitant de son architecture». Une visite aussi bien historique qu’instructive à l’intérieur de la plus vieille bibliothèque du monde encore fonctionnelle.