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Grand Angle

Affaire SNCF-Cheminots marocains : Le silence de la France et du Maroc pointé du doigt

Près de trois semaines après l’appel de la SNCF suite à sa condamnation, les cheminots marocains sont toujours sous le choc. Ils essaient de rassembler leurs forces pour la suite du combat qui les oppose au groupe ferroviaire français. Parallèlement, des voix s’élèvent pour dénoncer le silence des autorités françaises et marocaines dans une «affaire historique».

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Il ne passe pas un jour sans que quelques uns des 832 cheminots marocains ne se retrouvent en réunion ou au téléphone. Leur sujet de discussion porte sur la nouvelle procédure dans laquelle ils se sont lancés depuis l’appel de la SNCF contre sa condamnation par les Prud’hommes.

«Lamentable»

Reconnu coupable de «discrimination dans l’exécution du contrat de travail» et «dans les droits à la retraite», le groupe ferroviaire français avait été condamné, le 21 septembre dernier, à verser des dommages et intérêts d’environ 170 millions d’euros (en moyenne 200 000 euros par plaignant). Disposant de deux mois pour exécuter le jugement, la SNCF a attendu la dernière minute, le 23 novembre dernier, pour faire appel, laissant les cheminots sous le choc. Aujourd’hui, le silence des autorités françaises et marocaines est pointé du doigt.

«Leur position est lamentable», déclare à Yabiladi Abdelkader Bendali, économiste et professeur de droit, qui a accompagné l’association Ismaïlya des cheminots marocains dans la mise au point des arguments juridiques contre la SNCF. Il regrette qu’en dépit de la tournure de cette affaire au fil des 14 ans de bataille judiciaire et particulièrement cette année, Paris et Rabat n’aient jamais évoquée officiellement le dossier. «Même les juges de première instance avaient qualifié d’historique la condamnation de la SNCF. C‘est dire tout ce que cela représentait, mais ça n’a fait réagir aucun des deux gouvernements», regrette l’homme de droit.

Même son de cloche en milieu associatif. «N’importe quel Etat démocratique aurait ordonné l’ouverture d’une enquête dans une telle affaire», estime Boualam Azouhoum du collectif Justice et dignité pour les chibanis, qui reste admiratif du «courage» dont ont fait preuve les cheminots marocains face à la SNCF. «Sous prétexte de laisser la justice faire son travail, la France est resté silencieuse», se désole-t-il. Il estime que le statut de la SNCF en tant que compagnie publique historique et le fait qu'elle soit impliquée dans une affaire de discrimination devrait susciter une réaction différente de la part de Paris.

«Les MRE  ne servent qu’à faire rentrer les devises»

Pour Abdelkader Bendali, le Maroc serait encore plus fautif. «Ces gens sont des Marocains. L’attitude du Maroc est indigne d’un Etat. Cela prouve que ces immigrés en France sont là, juste pour leurs devises. Chaque année on les flatte pour qu’ils rentrent avec tout un dispositif mis en place», argue-t-il faisant allusion à l’opération Marhaba. «Les autorités marocaines auraient dû appuyer sur le bouton et avertir leurs homologues français quand ils dépassaient la ligne rouge», ajoute-t-il.

M. Bendali dit ne pas comprendre pourquoi le Maroc a ainsi géré ce dossier, alors que la France aurait fait différemment dans une situation inverse selon lui. «Quand la Comarit a eu des problèmes d’impayés en France et que ses bateaux ont été saisis, les autorités françaises ont appelé le Maroc pour que la situation soit réglée. On sait tous comment cela s’est passé par la suite. Et là, on a une entreprise publique qui a escroqué – le mot est fort, mais il est parfaitement approprié - des Marocains pendant plus de 40 ans et le Maroc ne dit rien», s’insurge-t-il. L’Etat marocain n’est pas la seule cible de sa colère. «Les médias marocains alors, n’en parlons plus. Ils sont indignes d’être appelés médias. Ils ont peu parlé de cette affaire qui fait pourtant souffrir plusieurs centaines de compatriotes», s'indigne-t-il.

De son côté, l’association Ismaïlya des cheminots marocains poursuit sa mobilisation. Un courrier a été envoyé à la présidence de la Cours d’appel pour qu’elle fixe une date d’audience «au plus tôt». «Nous espérons ressortir de cette histoire la tête haute», confie le président, Ahmed Katim.

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