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Grand Angle  

Tanger, Nador, Melilla... des victimes des réseaux jihadistes témoignent

Alors que quatre présumés jihadistes ont été encore arrêtés jeudi à Marrakech et Laâyoune, dans le sud, le nord marocain reste aussi une zone où opèrent plusieurs réseaux de recrutement. Dans les quartiers pauvres de Tanger comme Béni Makada, à Nador et à Melilla, ces recruteurs emploient toutes sortes de moyens pour convaincre la jeunesse de partir faire le jihad. Les témoignages sur France 24  de quelques personnes qui ont failli tomber dans le piège lèvent un autre coin du voile.

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Les chiffres exacts sont encore difficiles à obtenir, mais ils seraient plus de 3 000 marocains à être affiliés à des organisations jihadistes en Syrie et en Irak selon certaines données du ministre de l'Intérieur. Ces jihadistes ne partent pas toujours de leur propre gré. Ils sont victimes de l’embrigadement des réseaux de recrutement, très actifs dans le nord du Maroc. Dans les villes de Tanger et Nador ou dans l’enclave espagnole de Melilla, nombreux sont les jeunes qui regagnent les foyers de tension malgré la lutte antiterroriste que livre le Maroc. Dans un reportage réalisé par France 24, le témoignage de certains jeunes qui ont failli rejoindre ces filières de l’Etat Islamique, Al Qaïda et autres organisations jihadistes est accablant.

"Ils m'ont fait tourner la tête" 

Abdel, jeune Marocain de 18 ans, visage caché, revient sur un épisode qu’il n’est pas prêt d’oublier. "J'avais rencontré des gens à la mosquée que je fréquentais. Ils m'ont fait tourner la tête, ils avaient des arguments, je ne sais même pas comment ils ont réussi à me convaincre, à tel point que j'ai abandonné l'idée d'aller travailler au port", confie le jeune homme à France24. Les recruteurs y vont avec tous les arguments, y compris financiers (60 euros par jour) pour emmener des jeunes, qui vivent pour la plupart dans la pauvreté, en Syrie et en Irak.

"Ils me disaient que la vie en Espagne ne valait plus la peine, maintenant qu'il y a la crise, ils m'ont dit qu'en Syrie c'était mieux", témoigne Abdel. "J'étais sur le point de partir quand j'ai appris que des gens rentrés de Syrie étaient au bord de la folie, et que d'autres, qui veulent rentrer, sont toujours coincés là-bas".

"On en parle comme si on parlait de football"

La pauvreté qui règne dans certains quartiers est en effet du pain béni pour les filières jihadistes. "Nous vivons dans une zone frontalière où il existe une importante poche de pauvreté, surtout au sein d'une partie de la population musulmane qui représente, si l'on peut dire, un terreau pour les thèses jihadistes", explique Hassan Moktar, député et porte-parole du parti de la Coalition pour Melilla.

Aujourd'hui, dans des quartiers comme Béni Makada, parler du sujet n’est pas tabou. "Personne ne se cache pour parler de ça, on en parle comme si on parlait d'un match de foot, ou de la vie de tous les jours", explique un autre jeune marocain, Ali. "Bref, ils sont venus me voir mais j'ai refusé de me laisser embrigader… Parce que moi je les ai croisés à Béni Makada, je les ai vus en train de vendre de la drogue et d'agresser les gens. Alors que tout ça, c'est tout le contraire de l'islam."

L’éducation religieuse et la lutte anti-terroriste pointées du doigt

En réalité, la vente de drogue, d’alcool et la contrebande alimentent les réseaux de recrutement. Mais dans le reportage, on remet surtout en question l’éducation religieuse et la lutte antiterroriste menée par le Maroc. Pour Khalid Salai, journaliste à Sadanews, "l'éducation religieuse qui est proposée au Maroc n'est pas suffisante pour enseigner à notre jeunesse les bonnes valeurs de l'islam, telles que nous les connaissons, cet islam qui est imprégné des textes du Coran et de la conduite du Prophète. Des valeurs qui ne sont pas celles qui sont dictées par ces chefs religieux autoproclamés". 

Rida Benothman, militant des droits de l'Homme, condamné pour apologie au terrorisme alors qu’il a clamé son innocence, estime lui, que la lutte antiterroriste menée après les attentats de Casablanca en 2003 n’a pas produit l’effet escompté. "Il y a une grosse part de responsabilité des pouvoirs publics, qui ont laissé se propager la littérature wahhabite dans certaines régions défavorisées. Les autorités étaient au courant, le savaient, il y avait des échanges culturels, des livres qui rentraient, des conférences qui étaient données. C'est donc une idéologie qui s'est répandue et qui a eu le temps de mûrir et de créer ces phénomènes", explique-t-il. 

Reportage de France 24

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