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Tribune

Mouvement Anfass : La Planification Stratégique au cœur des politiques publiques au Maroc

Depuis sa constitution, le mouvement Anfass s’est assigné une mission prospective avec comme horizon temporel 2030. Partant de ses valeurs fondatrices, le mouvement a présenté sa vision d’une politique fiscale efficace basée sur un pacte de citoyenneté et sur l’optimisation du potentiel de ressources pour l’Etat. Nous avons ensuite présenté notre vision pour les réformes des secteurs sociaux capitaux : l’éducation et la santé, comme nous avons présenté, dans le cadre de la réforme de la justice, un projet de loi de réforme de la grâce.

Comme suite aux précédentes contributions, nous livrons aujourd’hui notre réflexion sur la planification stratégique en relation avec la préparation de la loi organique des lois de finances.

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La Loi Organique sur la Loi des finances (LOLF) constitue le texte de référence en matière des finances publiques. Ce cadre de référence fixe les principes et règles à observer dans la préparation de la loi de finances et de son exécution. Historiquement, ce référentiel était purement technique et juridique et ne s’intéressait pas aux performances de la dépense publique.

Les récentes évolutions dans le domaine, introduisaient une gestion par objectif public mesurable, auquel des recettes publiques sont allouées. L’exemple en la matière est la LOLF en France votée en 2001, et qui définissait des missions publiques, au sein de chaque mission des projets qui ont des objectifs. Ainsi la dépense est mieux orientée vers des missions publiques clairement formulées et dont la gestion est mesurables. Le projet de la LOLF présenté par le gouvernement marocain, s’inspire beaucoup dans sa conception du cadre français : présenter la loi des finances par missions (généralement pluriannuelles), à chaque mission est attribué des objectifs.

A ce niveau, plusieurs remarques sont à relever :

  • Ni la LOLF ni les lois des finances annuelles, ne sont porteuses en elles mêmes de projets politiques, elles ne servent qu’à traduire techniquement des choix politiques.
  • Les partis politiques marocains ne présentent pas de projets politiques mesurables, chiffrés lors des élections. Ce travail est relégué au 3ème rang après la formation de coalition et la distribution des maroquins ministériels.
  • Des plans sectoriels ont été définis à partir du début des années 2000 manquaient d’une vision globale et d’un fil conducteur les harmonisant, ce qui a réduit l’efficacité de ces projets. Même leur horizon temporel n’était pas identique, des politiques sectoriels qui visaient une échéance de 10 ans, d’autres de 5 ans. Ceci perdure malheureusement aujourd’hui malgré les mises en garde ( Rapport fondation Abderrahim Bouabid «Le Maroc dispose-t-il d’une stratégie économique ; Rapport du CESE sur les politiques sectorielles et le libre échange, … comme exemple ).
  • La régionalisation : Cette nouvelle dimension, s’ajoutera à toutes les contraintes de la planification stratégique, à prendre en considération, sinon et à l’instar de manque de cohérence des politiques sectorielles, une autre incohérence territoriale s’ajoutera.
  • Certains «grands projets structurants» échappent à toute planification gouvernementale. Les engagements de l’Etat dans ces projets les rendent prioritaires dans la préparation des lois de finances, sans que cela soit intégré, politiquement parlant, dans le programme initial du gouvernement et de sa majorité.

Planification stratégique au cœur des politiques publiques

Nous pensons que le retour à la planification quinquennale, sous une forme modernisée, constitue le cadre institutionnel nécessaire pour un véritable décollage socio-économique. Il est à noter que la planification, ne veut pas entendre le retour à une économie planifiée où l’Etat décide de ce que l’économie doit produire. La planification renvoie surtout à l’aspect stratégique d’aborder certains sujet, d’une manière cohérente. Il est intéressant aussi de proposer une nouvelle identité à la «planification» pour éviter toute confusion.

Ainsi, notre proposition s’articule sur 4 axes majeurs :

  • Institution indépendante du plan : Il est important d’installer une institution centrale chargée du plan. Cette institution regrouperait les établissements chargés aujourd’hui des statistiques, du plan, des budgets, …, aura comme missions : études stratégiques, préparations des scénarii futurs par secteur et par région, l’évaluation des objectifs des politiques publiques, … Elle serait composée d’agents experts de l’administration, de représentants de partis et de la société civile, d’universitaires, … et mériterait d’être constitutionnalisée pour garantir son indépendance vis-à-vis de tous les détenteurs de pouvoir et de son objectivité. Cette institution aura un rôle consultatif et ne disposera d’aucun pouvoir, à l’instar des autres institutions de gouvernance.
  • Les partis politiques, les ONG, le parlement, le gouvernement, les régions, … pourront saisir l’institution du plan et commanditer des études pour préparer des politiques publiques et des projets politiques. Typiquement, les partis disposeront de ses études, données, scénarii, … pour préparer les programmes électoraux des législatives.
  • Le programme gouvernemental – cadre de planification quinquennale : Une fois la coalition constitué, le programme gouvernemental sera élaboré en fonction des tractations. Ce programme devra être voté pour devenir le cadre de référence, pour le quinquennat, en termes de lois de finances. Les lois de finances annuelles en deviendront corolaires et serviront à apporter les réglages en cours de route pour les objectifs du programme gouvernemental.
  • Evaluation des politiques publiques : périodiquement (annuellement, mi-mandat, … ) l’instance du plan sera saisie (par le gouvernement, le parlement, les partis, ONG, … ) pour fournir les statistiques de réalisation des objectifs assignés dans les politiques publiques.

Du plan à la LOLF

Le plan adopté doit prévoir les moyens nécessaires à sa réalisation. La commission chargée de son élaboration propose les estimations de concrétisation et même les schémas de financement.

La LOLF peut proposer d’intégrer directement dans chaque loi de finances les budgets annuels correspondant à la réalisation des objectifs du plan stratégique. Ainsi, les débats budgétaires sur les sujets stratégiques seront concentrés surtout sur des réévaluations ou de suivi de consommation des budgets décidés auparavant, sans pour autant remettre en cause les objectifs même, déjà décidés.

Nous saisissons l’occasion de la présentation de la LOLF, pour présenter notre contribution autour d’un sujet qui dépasse le cadre purement technique de la LOLF. Car nous sommes convaincus, qu’au-delà d’un réaménagement de la présentation de la loi des finances, qui par ailleurs un vecteur de modernité, le débat peut se situer même dans la conception, le suivi et l’évaluation des politiques publiques.

Le constat sur l’insuffisance de convergence et de cohérence des politiques publiques a été réalisé à plusieurs reprises et par différents instances, et qui ont démontré qu’en l’absence d’un fil conducteur le Maroc perd des points de croissance.

Les quatre axes d’un premier exercice de planification que nous avons proposés constituent pour notre mouvement un appel à débattre et d’échanger sur le sujet de planification stratégique d’une façon générale et  les thématiques proposées en particulier.

Nous croyons vivement que la planification stratégique est au cœur d’un processus de développement socio-économique et nous appelons à la création d’une institution au service de la nation.

Visiter le site de l'auteur: http://www.anfass.ma

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