L’Espagne envisage de durcir sa loi sur les étrangers, a annoncé mardi le ministre de l’intérieur, Jorge Fernandez Diaz, rapporte El Mundo. D’après des sources gouvernementales, un «groupe de travail» a déjà commencé à travailler sur les modifications législatives.
La loi actuellement en vigueur prévoit que, lorsqu’un migrant tentant d’entrer illégalement en Espagne est intercepté, il a la possibilité de demander l’asile politique. Mais Madrid veut y insérer la réadmission systématique au Maroc des immigrants irréguliers, en se référant à l’accord signé en 2012 avec Rabat. Les deux royaumes sont en effet liés par un accord de réadmission signé en 1992, mais officialisé en 2012. Cette année-là, le royaume chérifien a d’ailleurs réadmis près d’une centaine de migrants irréguliers. Selon l’adjointe au Premier ministre, Soraya Saenz de Santamaria, ce projet de réforme viendrait corriger «les lacunes» de l’actuelle loi.
Syndicat et politiques rejettent ce projet de réforme
En réalité, le gouvernement Rajoy cherche à se mettre à l’abri des situations comme celle qu’elle connait depuis le drame du 6 février dernier où 16 migrants sont morts en tentant d’entrer à Ceuta suite à l’intervention de la garde civile. Les survivants avaient automatiquement été refoulés vers le Maroc.
Mais à peine Jorge Fernandez Diaz a annoncé le projet de réforme de loi sur les étrangers, l’Union générale des travailleurs (UGT) l’a rejeté, estimant que le gouvernement veut «garantir le refoulement systématique» des migrants vers le Maroc. D’après le syndicat, l’Espagne devrait faire de son mieux pour «aider des migrants généralement pauvres» et «veiller à appliquer aux postes frontières, une politique en accord avec les droits de l’homme».
«Madrid doit consulter Rabat»
A Melilla, le député du CPM (Coalition pour Melilla), Mohatar Hassan, a déclaré hier que son parti (de l’opposition) s’oppose également au projet de réforme de la loi sur les étrangers, rapporte El Faro. D’après lui, l’Espagne ne devrait plus s’inscrire dans une logique de refoulement systématique comme cela a été le cas le 6 février dernier où des migrants ont perdu la vie. Estimant en outre que le Maroc joue un rôle crucial dans la gestion de l’immigration irrégulière en Espagne, M. Hassan estime que Madrid devrait se concerter avec Rabat avant de décider de ces «refoulements systématiques».
Des concertations qui s’avèrent nécessaire, puisque le traité de réadmission avec le Maroc émet nombre de clauses dont le non-respect implique une violation des droits de l’homme, comme l’a expliqué à El Diaro, Quindimil de Jorge Antonio, professeur de droit international à l'Université de La Corogne.
L’accord de réadmission émet des conditions
Ce traité stipule, en effet, que les migrants réadmis au Maroc doivent au préalable être identifiés en Espagne. Et selon l’article 2, la demande de réadmission doit être formulée au maximum dix jours après l’arrivée du migrant irrégulier sur le sol ibérique. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gestes de la garde civile le 6 février ont été taxées de violation des droits de l’homme. Toujours dans le cadre de ce traité en outre, l'Espagne doit veiller à ce que le migrant réadmis au Maroc soit renvoyé «dès que possible» dans son pays d'origine. Ce qui semble ne s’être jamais produit.
Tout ceci soulève encore l’épineuse question du respect des droits de l’homme dans la gestion de l’immigration irrégulière entre l’Espagne et le Maroc. Et toute la presse ibérique en parle. Même au Maroc, le refoulement systématique est jugé «illégal», comme pouvait encore l'expliquer récemment Mehdi Alioua, enseignant-chercheur à l'Université internationale de Rabat. «Si l'Espagne veut expulser des personnes, elle doit respecter les procédures et le Maroc doit en être informé», a-t-il déclaré.