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Tribune

Le nouveau gouvernement saura-t-il explorer les prémices d'une politique migratoire nouvelle ?

Sans verser dans l'optimisme, il faut reconnaître qu'avec les législatives de 2002, le Maroc a gagné beaucoup en degré de crédibilité. Avec celles du 7 septembre dernier c'est plus qu'une confirmation, c'est le début d'un tournant politique qui place notre pays dans la voie de l'ancrage de l'alternance politique même si l'institution monarchique détient toujours l'essentiel des prérogatives.
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En effet, depuis le début de la nouvelle ère, nombre de choses ont évolué et aujourd'hui, même si l'exécutif domine encore le législatif et que la justice avance à pas de tortue vers une indépendance relative, il est incontestablement vrai que le champ politique est en train d'acquérir une certaine visibilité.

Sur le champ économico-social, même si le fossé continue de se creuser entre une poignée de riches et une grande majorité de pauvres engendrant ainsi différentes formes de pauvreté et de mendicité, et poussant des jeunes à mourir dans des «pateras », le Maroc est devenu un grand chantier faisant de lui un des pays émergents.

Pour ce qui est de la question migratoire que je me propose de développer dans cette réflexion, il me semble, sans rentrer dans les détails, que l'échec de toutes les initiatives pour satisfaire les attentes des Citoyens Marocains de l'Etranger « CME », réside dans le manque d'une évaluation lucide et d'une analyse approfondie des mutations qu'ont connu et connaissent encore notre pays et la communauté des CME depuis le début de ce troisième millénaire.

Pourtant, depuis son intronisation, le Souverain n'a cessé d'exprimer son attachement à l'intégration des Citoyens Marocains de l'Etranger dans les domaines économique, politique et social. Sa volonté et son désir de créer des outils au service des CME l'ont amené à prendre une série d'initiatives en leur faveur. Cependant, exception faite du transit, aucune de ces initiatives n'a pu aboutir. Dès lors, une nouvelle approche répondant à plusieurs impératifs, tenant compte des besoins de cette population et abordant le problème de manière multidimensionnel s'impose avec acuité.

Il n'y a pas pire difficulté en effet que de continuer dans une politique qui a conduit á des échecs répétés et dont les outils (Commission interministérielle, Ministère, Fondations et le futur conseil supérieur des CME déjà majoritairement contesté) n'ont pas pu aboutir ni assurer aux CME une représentation dans les institutions de l'Etat marocain encore moins à servir comme outils d'assistance et de soutien voire de promotion au volet culturel et cultuel dans les pays de résidence.

S'il y a en effet des Citoyens Marocains auxquels personne n'a jamais pensé à demander l'avis sur la politique dont ils sont l'objet, ce sont bien les Citoyens Marocains de l'Etranger « CME ». Pourtant, les trois millions et demi de CME espèrent beaucoup du futur gouvernement pour leur faire oublier la douche froide suscitée par leur exclusion de la participation aux législatives du 7 septembre 2007 et la tournure qu'a pris le futur conseil supérieur.

Leur espoir est de voir le nouveau gouvernement élaborer une nouvelle politique migratoire susceptible de créer les conditions permettant aux élites des CME de faire valoir leurs compétences et leur savoir-faire. Le Maroc et les Marocains en seraient les premiers gagnants car la participation aux débats des Marocains avec des références diverses serait à n'en pas douter autant de richesse pour notre pays. C'est d'ailleurs cette diversité qui a fait et fait encore la force d'un pays comme les USA.

Or, une nouvelle approche passe nécessairement par la prise en compte des responsables du dossier qu'une politique cohérente, efficace, conséquente et novatrice, nécessite non seulement la définition de son contenu et des objectifs à atteindre mais aussi -et surtout- la clarification et le regroupement des outils et des leviers d'actions nécessaires à la gestion d'un tel dossier complexe et compliqué.

C'est dans cette perspective qu'ils devraient faire le choix de la priorité qu'ils pensent accorder à un dossier à la fois économique, social, humain, politique et dont la gestion nécessite une transparence et une efficacité susceptibles d'en finir avec les échecs du passé.

S'agit-il d'un dossier multidimensionnel dont la priorité est principalement économique ? Dans un tel cas, le ministère, chargé des CME ne peut plus être en équation. Les enjeux devraient se déplacer vers la réorientation de la Fondation Hassan II pour les CME déjà implantée dans certains pays d'accueil des CME et d'en placer le futur conseil supérieur sous sa houlette comme un outil de sécurisation des transferts et de drainage de l'investissement. D'ailleurs dans une interview d'août dernier son Président-délégué a déclaré, je cite « le futur conseil supérieur va absorber le conseil de la Fondation » fin de citation. Une Fondation qu'il faut rattacher au Ministère de l'économie dont le rôle et l'action devraient dans le cadre de la mondialisation dépasser les frontières nationales.

Si au contraire, ils font le choix de la priorité politique –ce qui serait raisonnable-, alors il est tout à fait normal et logique qu'un organisme pour gérer ce dossier complexe au moyen d'une politique migratoire devient nécessaire. Cet organisme ne peut être qu'un Ministère appelé à développer une nouvelle politique migratoire tenant compte non seulement des mutations qu'a connues la communauté des CME et les pays ou ils vivent et résident mais également le fait que le Maroc est non seulement un pays d'émigration mais aussi un pays de transit, voire d'immigration.

Il est évident qu'un Ministère rattaché à la primature et déployant des activités et des actions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Maroc, nécessite des outils capables de servir de relais pour traduire sa politique sur le terrain. Dans un tel cas la fondation Hassan II pour les CME et le futur conseil supérieur devraient être sous sa tutelle pour lui servir non seulement comme relais mais aussi – et surtout- pour cantonner les susceptibilités liées à la souveraineté en ce qui concerne ses activités dans les pays de résidence des CME.

La question est donc en définitive une question de choix. Un choix fondamental, tributaire de la vision et des objectifs, que l'on projette de donner à ce dossier multidimensionnel. Les prémices d'une nouvelle politique migratoire se trouvent incontestablement dans un tel choix.

Voilà pour les ajustements structurels qui devraient permettre me semble-t-il, de mener enfin une politique migratoire efficiente et cohérente à l'égard des trois millions et demi de CME.

Said Charchira
Directeur du centre européen d'études et d'analyses sur la Migration
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